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Critique de Alfaric


"Stella Maris" (1991) :

Manse Everard est contacté par Janne Floris spécialiste des Germains de l'Âge du Fer (décidément l'auteur est passionné par les ploucs teutons ^^) : elle a retrouvé les livres perdus des "Annales" de Tacite, mais en possède deux versions qui divergent de manière intrigante sur un point qu'elle juge inquiétant !
Chez Tacite 1, la prêtresse bructère Veleda prêche la guerre contre Rome avant de se raviser et de jouer un rôle non négligeable dans les pourparlers de paix entre rebelles bataves et autorités romaines...
Chez Tacite 2, la prêtresse bructère Veleda jusqu'au-boutiste soutien la guerre à outrance avant de s'exiler en Grande Germanie puis en Europe de l'Est pour fonder une nouvelle religion prophétisant la destruction de Rome...
Allez hop, c'est parti pour une enquête de terrain avec investigations à rebours pour trianguler la bifurcation éventuelle de l'histoire et ses répercussions de la trame du continuum espace-temps... (et évidemment les enquêteurs sont quelque part à la fois cause et conséquence des événements qu'ils observent ^^)

Sur le fond c'est très intéressant car l'auteur a décidé de nous raconter l'année des quatre empereurs et le game of throne romain non du centre mais de la périphérie, non du haut mais du bas... Durant la révolte germano-gauloise de 69-70 après Jésus-Christ, il s'attarde ainsi sur la sécession de Civilis (devenu depuis lors un héros national aux Pays-Bas). Et il se fait une joie de la comparer à la Guerre d'Indépendance américaine, les rebelles bataves jouant le rôle des insurgents et la Rome de Néron jouant le rôle de l'Angleterre de George III (en oubliant qu'il n'y a ici pas d'Océan Atlantique et de flotte française pour protéger le David libéraliste du Goliath étatiste ^^)... Alors évidement Poul Anderson laisse filtrer là-dedans ses idées libertariennes complètement hors-sujet voir WTF, mais j'ai noté avec jubilation que son Gary Stu qui n'arrête de critiquer l'État, le gouvernement, l'administration et tutti quanti répète à chaque épisode que les fonctionnaires de la Patrouille du Temps sont en sous-effectif ! ^^
Par contre je suis complètement passé à côté de toutes les réflexions sur les relations entres paganismes évolutifs et christianisme primitif, avec l'apparition de nouveaux cultes ou la résurgence d'anciens cultes qui auraient préparé le terrain au triomphe de la religion chrétienne en propageant ses valeurs, ses messages et ses méthodes. L'auteur était croyant et pratiquant, et malgré des précautions oratoires en amont et du rétropédalage en aval son concept d'espace-temps résilient est mis mal par toutes ces passages où explicitement ou implicitement il fait comprendre que la voie vers la civilisation et le progrès passe forcément par le judaïsme et le christianisme (donc tout ce qui a pu et peut les favoriser c'est bien, et tout ce qui a pu ou peut les défavoriser c'est mal)... Je regarde la civilisation chinoise, et c'est la grosse rigolade ! ^^

Sur la forme c'est très hétérogène : c'est à la fois un qualité et un défaut... D'un côté on prend conscience de toute le palette technique et artistique de l'auteur, mais d'un autre côté la succession de tons et de styles m'ont empêché de me plonger dans le récit. On retrouve l'alternance entre passé et présent du récit "Le Chagrin d'Odin le Goth", car on passe de la Germanie du Ier siècle pour investiguer et les Pays-Bas du XXe siècle pour débriefer, les deux époques étant aussi bien décrites l'une que l'autre. D'ailleurs l'histoire de Janne Floris est assez proche de celle de Carl Farness, sauf qu'on la fait raconter au lieu de la montrer et que la spécialiste des Germains d'Occident du Haut Empire n'est pas confrontée aux mêmes choix cornéliens et à leurs conséquences douloureuses et tragiques que le spécialiste des Germains d'Orient du Bas Empire... Il y a beaucoup de personnages, beaucoup d'événements, beaucoup de lieux et beaucoup de mouvement mais tellement d'ellipses qu'il n'est pas facile de se prendre au jeu : on a des passages poétiques voire mystiques, on a des passages moraux où on oppose l'action man Manse Everard qui a déjà tout vu et tout connu et l'intellectuelle Janne Floris bouleversée par tous les massacres auxquels elle assiste, on a des passages mélancoliques avec Wael-Edh et Heidhin traumatisés par une tragédie qu'ils n'ont jamais pu surmonter et qu'ils tentent de compenser en étanchant une soif de vengeance commune, on a parfois des passages aussi immersifs qu'un R.E. Howard au meilleur de sa forme (il faudra que je lise les aventures de Conan le Cimmérien écrites par Poul Anderson ^^) et on a parfois des passages aussi arides émotionnellement qu'une chronique historique (mais il toujours intéressant de se plonger/replonger dans les écrits de Tacite, Suétone et leurs émules ^^)...


"L'Année de la rançon" (1988) :

Le 3 juin 1533 le frère franciscain Esteban Tanaquil supervise l'inventaire de la rançon de l'Inca Atahualpa sous la surveillance du capitaine Luis Ildefondso Castelar Moreno de Barracota, mais l'un et l'autre sont enlevés par les bandits temporels exaltationnistes de Merau Varagan. Ils sont interrogés le 15 avril 1610 sauf qu'Esteban Tanaquil est en fait Stephen Tamberly agent de terrain de la Patrouille du temps et que la capitaine Castelar a l'âme d'un héros : il délivre celui qui soupçonne d'être un sorcier avant de s'emparer d'un sauteur temporel et de partir quelque part au bord de l'Océan Pacifique le 11 mai de l'an 2937 avant Jésus Christ... Les Exaltationnistes voulaient rançonner la Patrouille du Temps en menaçant de foutre le bordel dans l'Empire de Charles Quint, le capitaine Castelar lui compte rançonner son sorcier pour assurer sa place à la droite de Dieu en triomphant de tous les ennemis de la très catholique Espagne : sauver Francisco Pizarro Pizarro, conquérir les Amériques, vaincre les hérétiques protestants et les Turcs mahométans avant de reprendre Jérusalem et le Tombeau du Christ ! Vaste programme et Stephen Tamberly lui donne les coordonnées spatio-temporelles de sa nièce nièce Wanda Tamberly : le face-à-face entre l'hidalgo macho et la strong independant woman californienne est réjouissant (« Senorita, lâchez cette arme », « Mais c'est un aspirateur !) » ^^), ce choc des civilisations rappelant de bons souvenirs à ceux qui ont connu les films/séries des années 1980/1990 ^^

Malheureusement à partir du moment où est contactée la Patrouille du Temps, Poul Anderson arrête de nous montrer les événements pour les faire raconter à posteriori par son Gary Stu : en rompant avec le règle d'or « show, don't tell » le récit devient immédiatement beaucoup moins intéressant... On fait raconter l’arrestation des Exaltationnistes qui est un gros pschitt, la neutralisation et et la rééducation du fier hidalgo et la récupération quelque part chez les populations préhistoriques de l'Océan Pacifique de l'oncle Stephen / Esteban… L'auteur nous a bien fait comprendre qu'il kiffait les femmes athlétiques, donc c'est tout naturellement que son Gary Stu Manse Everard et Wanda Tamberly entame leur romance sans doute à suivre dans un épisode suivant ^^

Réjouissant puis frustrant (et ce n'est pas la première fois), le récit a le mérite de montrer de l'auteur est aussi efficace avec la légèreté qu'avec la gravité : il m'a donné vachement envie de me lancer dans "Les Croisés du Cosmos" dont le pitch présente pas mal de similitudes avec celui de cette sympathique nouvelle ^^
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