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Critique de Michel69004


"Sculpter, c'est très simple. C'est juste enlever des couches d'histoires, d'anecdotes, celles qui sont inutiles, jusqu'à atteindre l'histoire qui nous concerne tous, toi et moi, l'histoire qu'on ne peut plus réduire sans l'endommager..."
C'est ce que déclare Mimo à un jeune apprenti, alors qu'il vient d'achever sa Piéta, chef-d'oeuvre absolu, chef-d'oeuvre incompris et vite caché, chef-d'oeuvre insupportable.
J'ai adorer ce quatrième roman de Jean-Baptiste Andrea qui, après le très réussi Des diables et des saints, change de catégorie.
Cinq cent quatre vingt pages enchanteresses, sculptées dans le marbre d'une fantaisie romanesque avec élégance, souplesse, densité et virtuosité.
C'est une histoire invraisemblable qui, comme toutes les excellentes histoires invraisemblables, tutoie les véritables vérités.

Mimo Vitaliani se meure (Michelangelo, son vrai prénom lui a été donné par sa mère pour rendre hommage au maitre de la renaissance). Nous sommes dans une vielle abbaye piémontaise, un jour d'automne 1986. Mimo y vit depuis quarante ans pour Veiller sur elle. Il se confie à l'abbé Vincenzo qui est le supérieur et aussi son ami.
Mais Vincenzo entend peu et ne comprend rien. Ou alors pas grand chose. À l'inverse, le lecteur entend fort bien, retrouve à intervalles réguliers Vincenzo qui nous confie sa quête, et comprend tout...mais seulement à la page 577!
Nous rentrons donc dans la tête de Mimo, le nain achondroplasique, pour vivre une folle histoire d'abandon, de maltraitance et d'apprentissage. le "nabot", doué pour sculpter, va être confié par sa mère (au regard mauve immense, ça a son importance) veuve et sans le sou (on est en Haute-Maurienne- ça n'a aucun rapport avec l'histoire, mais c'est là aussi d'où je viens-), va être confié donc à un oncle affreux qui le trimballera de Piémont en Ligurie. Pour son apprentissage. Pour être son esclave.
Mimo a 12 ans, la première guerre mondiale fauche toute une génération.
Mimo vivra à Pietra d'Alba (village imaginaire, au nord de Gêne), rencontrera les Orsini (les nobles locaux) qui le mépriseront puis l'adouberont. Il sera reconnu, deviendra riche et célèbre, fricotera avec les fascistes et les cardinaux. Aura une période florentine (glauque) et une période romaine (fastueuse). Ne vendra jamais vraiment son âme au diable. Sculptera des merveilles etc.
Tout ce que je viens de décrire est important, mais l'essentiel est ailleurs.
Viola Orsini est la seule fille des bienfaiteurs de Mimo. Elle a le même âge que lui. Elle n'est ni belle, ni moche, elle est juste sublime. Et terriblement atypique. Quand les deux génies se rencontrent, ils décident de tisser une relation éternellement prodigieuse.
J'ai trouvé que ce roman est avant tout un livre sur l'amitié qui devient l'Amitié quand elle triomphe de l'amour, de toutes les amours et de leurs avatars. Par delà les mots, par delà le temps. Uchronique, Utopique, et donc bien réelle. Quelque part. On saura où à la fin du livre. Peut-être. Rien n'est certain.
L'Amitié et toutes les amitiés, formidables de vitalité dans ce récit.

Jean-Baptiste Andréa écrit tout cela avec une sensibilité vertigineuse et une intelligence profonde des mots et des métaphores.
"Le plafond s'égarait dans l'obscurité"
"Ma mère pleura, versant quelques larmes améthystes"
"Chaque voyage est potentiellement légendaire"
Et puis des descriptions de parfums qui ,magiquement, vont infuser certains paragraphes, nous surprendre et nous envouter. Fragrances aussi subtiles que secrètes, volatils, en recomposition permanente. Néroli, cyprès, bergamotier, mimosa, glycine, jasmin, foin coupé, selle de cheval (!) etc.
Il se fait parfois moraliste:
"La pire violence, c'est l'habitude"
"Il y avait pire que de perdre sa liberté, c'était d'en perdre le goût"

Je ressors de ce livre étonné, ému, charmé.
Merci à Bernadette pour son incitation à le lire et à rencontrer l'auteur.
Auteur qui écrit à la croisée des pages : "Seule la vraie vie est dans les livres"
C'est bien ce que je pense aussi, mais, chut, gardez le pour vous !!!
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