Partez à la rencontre de Jean-Baptiste Andrea, prix Goncourt 2023, pour découvrir le livre audio Des diables et des saints !
Résumé :
Qui prête attention à Joe ? Ses doigts agiles courent sur le clavier des pianos publics dans les gares. Il joue divinement Beethoven. Les voyageurs passent. Lui reste.
Il attend quelqu'un, qui descendra d'un train, un jour peut-être.
C'est une longue histoire. Elle a commencé il y a cinquante ans dans un orphelinat lugubre.
On y croise des diables et des saints.
Et une rose.
Grand Prix RTL-Lire 2021
Prix Relay des Voyages lecteurs
Écoutez un extrait : https://www.lizzie.audio/content/des-diables-et-des-saints
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On a fait un jeu, c'est elle qui a eu l'idée, il fallait trouver la coccinelle avec le plus de points. Au début, j'ai eu du mal, je trouvais beaucoup de points mais il n'y avait pas de coccinelle autour, et Viviane m'a appris comment chercher : d'abord la coccinelle, bien rouge et bien brillante, et seulement après les points.
J'ai pensé à leur rencontre. J'ai frotté mes parents comme du cuivre ancien pour en effacer le noir. Redressé leur têtes, aminci leurs corps, rallumé leurs yeux. Ils avaient dû s'aimer l'espace d'un instant, quand ils avaient tournoyé sous les lampions du 14 juillet, à moins qu'ils ne soient restés fixes pendant que le reste se mettait à tourner. Ton père était beau, avait dit ma mère, et il était doux, et il dansait comme un dieu. J'ai pensé à leur rencontre mille fois, le plus souvent la nuit, quand j'avais l'impression d'étouffer. Il fallait qu'ils se soient aimés, sinon quelle raison j'avais d'exister, moi, de respirer, de prendre la place d'un autre ? Mais alors, il était parti où, cet amour ? Je l'ai cherché sous mon lit, dans les murs froids, dans la forêt, dans les yeux de ma mère puis dans ceux d'autres femmes, et j'ai fini par comprendre qu'il s'était changé en pierre. Elle avait dû rouler quelque part, passer par le trou d'une poche, et peut-être même qu'ils l'avaient un peu cherchée, mais va-t'en retrouver une pierre dans la caillasse du monde.
On n’avait jamais vu un saint chatouilleux, encore moins souriant. En tout cas pas en statuaire, où tous les saints arboraient en général des mines de fonctionnaires divins harcelés de demandes d’intercession.
(page 398)
Ma grand-mère disait aussi: il y a deux choses que j'aime dans la vie. Mentir et jardiner. J'aime tellement mentir que je viens de le faire: je déteste jardiner. Mentir, c'est beaucoup plus utile. Rappelle-t'en, Joseph.
(pages 92-93)
Il n'y a rien à faire, rien d'autre que d'attendre. La combe, autour de nous, est un bloc d'obsidienne. Le silence est absolu, il nous emplit la bouche et nous colle aux dents. Nous sommes la seule trace de vie dans un monde de prière. Même notre feu brûle en silence pour ne pas déranger.
Elle me sourit, un sourire qui dura trente ans, au coin duquel je me suspendis pour franchir bien des gouffres.
Le Dr Bardet m'avait demandé d'attendre dans la salle d'attente pendant qu'il parlait à mes parents. J'avais fait semblant d'accepter, j'avais pris un magazine et je m'étais assis avec mes pieds bien posés à plat par terre. Dès qu'il avait refermé la porte, j'étais allé écouter, j'avais appris à la maison que c'était comme ça qu'on entendait les choses les plus intéressantes, les gens parlaient mieux derrière les portes.
Du jour au lendemain, j’étais celui dont il fallait avoir une œuvre. Tout ça parce que j’avais appris un mot nouveau. Non. Le pouvoir de ces trois lettres était insensé. Plus je refusais, et plus je le faisais sèchement, plus l’on voulait de moi, le sculpteur des Orsini, comme l’on commençait à m’appeler.
(page 314)
Il faut avoir vu Rome sous la neige avant de prétendre avoir vécu. Le froid exaltait les odeurs. À celles de la nuit – parfums hors de prix, corps en sueur – succédaient celles du jour – métal des lampadaires, café qui percolait derrière la vitre embuée d’un bar.
(page 491)
La nuit est tombée, l'air s'est allégé. Umberto fredonne une mélodie traditionnelle sans s'en rendre compte. Des points de feu scintillent derrière nous sur les pentes - ce sont les bergers que nous avons vu à distance durant la journée. Silhouettes longues et massives, ils ont répondu à nos saluts d'un geste qui ressemblait à une bénédiction.