Une enquête de Tannie Maria : Recettes d'amour et de meurtre

"Mais peut-être que la vie est comme une rivière que rien ne peut arrêter, qui serpente sans cesse de l'amour à la mort. Qui va et vient. Pourtant, bien que la vie suive le mouvement de cette rivière, beaucoup de gens ne se mouillent pas de toute leur existence."

En remontant dans ma voiture, je me suis demandé ce que je ferais en cas de fin du monde. Comme je ne crois pas en Dieu, ni en l'Eglise ni à quoi que ce soit, je ne perdrais sans doute pas mon temps à prier ni à monter au ciel. Je pense que je mitonnerais un bon repas. Mais quoi exactement ? Et qui j'inviterais à ma table ?

Le lendemain matin, mon téléphone a sonné. C'était Hattie. - Tu es au courant ? Nelson Mandela est mort cette nuit. Après avoir raccroché, je me suis préparée une tasse de café, j'ai pris deux biscottes et je me suis assise dehors dur le stoep. Avant que j'ai pu porter le café à mes lèvres, mes larmes ont commencé à couleur. Mandela avait beau avoir 95 ans et être malade depuis un certain temps, cette nouvelle était un choc. J'ai regardé le veld marron et les gwarries ridés et les montagnes au loin. Avec mes larmes on aurait dit que la pluie tombait, mais le ciel était dégagé à perte de vue. Je savais que partout dans le pays, on pleurait avec moi la mort de Tata Mandela.

Parfois, le silence m'effraie parce que je me sens seule. Mais ce jour là, c'était un plaisir à entendre. j'en avait pris plein les oreilles ses derniers jours et j'avais soif de tranquillité. Je sirotais le calme en même temps que mon jus de pastèque.

Faire des vetkoek au curry de viande hachée est un art, et il a fallu des générations entières de tannies sud-africaines pour le mettre au point. Tout en savourant le résultat, j’étais pleine de reconnaissance envers elles, et en particulier envers ma mère qui m’avait transmis son savoir-faire. Debout dans ma cuisine à déguster mon vetkoek à la viande hachée, j’éprouvais ce que doivent ressentir les fidèles qui ont trouvé leur voie.
J’ai dit que je ne croyais en rien, que ma foi s’était envolée, mais peut-être que ça n’est pas vrai. Je crois au vetkoek au curry de viande hachée et à toutes les tannies qui ont cuisiné. Si la fin du monde approchait, c’est ce que je ferais à manger.

Les collines étaient basses comme dans l'espoir d'échapper à la canicule .

cuisiner et manger sont selon moi deux des meilleures raisons de vivre.

J'ai passé de trop nombreuses années avec un homme qui me battait. Les hématomes et les fractures guérissent. Mais le cœur - le cœur est meurtri à tout jamais. L'amour est quelque chose de précieux. Si vous êtes avec un homme qui vous maltraite, je vous conseille de le quitter. Je sais que c'est une décision difficile à prendre pour plein de raisons. Mais vous pouvez le faire.

J’ai remis de l’agneau à Piet. A défaut d’être costaud, c’était un vrai carnivore.
- Vous en voulez encore ? ai-je demandé à Kannemeyer.
- Avec plaisir, a-t-il répondu en me faisant son grand sourire étincelant.
J’ai rappelé mes genoux à l’ordre, car il ne faut pas faiblir avec un grand couteau à la main.

Je ne voulais pas entendre ce que Hattie avait d’autre à me dire. Ses paroles me faisaient du mal, sans que je sache pourquoi. Peut-être parce qu’elles me donnaient de l’espoir. L’espoir fait mal.
Au bout du pâté de maisons, j’ai baissé mes vitres. Un vent chaud soufflait et de gros nuages s’amoncelaient dans le ciel. J’ai espéré qu’il allait pleuvoir. Cet espoir-là ne faisait pas si mal.