Ce 15 août 1763, c’était la fête de l’Assomption, célébration catholique par excellence et rejetée par l’Église réformée pour raison que nul ne l’évoquait dans l’Evangile. Tous les ans c’était un sujet de tension entre les deux communautés. Par ordonnance royale les protestants ne devaient pas travailler ce jour-là, mais par fidélité à leur culte ils ne pouvaient rester à chômer non plus, c’eut été un blasphème. Et plus on approchait de la date, plus l’atmosphère devenait irrespirable. A la fabrique ordre avait été donné aux ouvriers de venir comme chaque jour, et aux officines des huissiers d’Héricourt on attendait la venue de renforts. Ceux-ci pourraient dresser procès-verbal de toute personne effectuant un travail interdit par la loi française, et faire payer les amendes.
- Vous connaissez tous les tissus alors ?
- Tous certes non, mais j’ai bien retenu ceux qui sont fabriqués ici, ils portent de si jolis noms ! Serge de Rome, calamandes, dauphines, étamines, bourracans, siamoises, grisettes… On y tisse aussi ces étoffes de fil destinées à l’habillement, les droguets. Mais la plupart du temps à partir des laines du Dauphiné et du Languedoc qui sont importées, celles d’ici sont apparemment trop courtes.
Les draps sont commencés par les tisseurs, tu connais donc, ils ne font alors qu’une toite épaisse et grosse. Du tisserand ils passent au foulon, qui par le foulage avec un moulin forme les draps. L’effet du foulage est de dégraisser les étoffes à fond et de les feurter plus ou moins comme on dit ici, enfin les peigner, les user en les frottant. Le foulon tire aussi le poil avec les chardons que l’on fait venir des Ardennes ou de Sedan, ce sont les meilleurs. Ils sont ensuite remis au tondeur, qui en coupe le poil avec les forces qui sont ni plus ni moins que de gros ciseaux. Et c’est bien là que tu interviendras, pour tondre les draps. Puis on les porte chez les teinturiers du grand ou du petit teint. Quand ils sont teints, on les reporte au tondeur, pour être pressés et brossés.
- ... J'espère que tu sauras te montrer courtoise et aimable, nul besoin de trop parler !
Elle ne répondit pas. Que dire de plus ? Qu'il était affligeant d'être fille, d'être femme. Nul droit, nul choix. Mais elle allait réfléchir et trouver une parade.
Le commerce fonctionnait donc toujours aussi bien, à croire que les conflits lui étaient favorables.
Mais l’amitié, c’est comme l’amour, ça se nourrit de rien.
Ne rien savoir est bien la meilleure façon de ne rien avoir à rapporter.
La guerre en dentelles n’existe pas. Seule la peur est vraie, ensuite vient le courage. Tu dois te concentrer sur ça.