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Critique de Shrulk


Quand j'étais en classe de 5e, j'avais un copain, Wilfried, à qui il manquait la dernière phalange de l'auriculaire de la main droite. Je ne me souviens pas s'il était né comme ça ou s'il avait eu un accident…
Il s'amusait souvent à s'enfoncer autant que possible ce qui lui restait de son petit doigt dans sa narine droite.
Du coup il ne restait pas grand-chose qui dépassait, et ceux qui n'étaient pas au courant avaient l'impression qu'il se grattait l'oeil en passant par le nez.
Il aimait surtout bien faire ça en classe, quand un prof le regardait. Qu'est-ce qu'on rigolait avec Wilfried !

Dans « La scierie », le narrateur fait son entrée dans le monde de ceux qui transforment les arbres juste abattus en planches.
Vers le milieu du XXe siècle, issu d'un milieu bourgeois, n'ayant jamais travaillé, il vient de rater son bac et doit gagner sa vie en attendant d'être appelé pour son service militaire.

Il fait ses armes dans une « mauvaise » scierie : machines dangereuses, patron peu scrupuleux, mauvaise entente entre les ouvriers…
Les accidents sont nombreux, et quand on travaille avec des machines qui sont faites pour couper du bois, un accident est rarement bénin. Ce sont les doigts qui prennent, voire les mains, et parfois aussi le reste du corps quand un morceau de bois récalcitrant ou mal engagé est violemment éjecté par une lame qui tourne à très grande vitesse.

J'ai remarqué que les menuisiers ont plus souvent que les autres un morceau de doigt manquant. On imagine assez facilement ce qui a pu leur arriver.
Et pourtant les machines sont maintenant beaucoup plus sécurisées qu'il y a un siècle.
Mais parfois, on enlève les sécurités parce que ça gêne. Ou on est pressé d'aller vite, pour diverses raisons, toutes plus mauvaises les unes que les autres.

Le narrateur de « La scierie » poursuit dans la même voie, dans d'autres lieux, pendant deux ans. Il n'est pas du tout question d'opposition entre mondes bourgeois et ouvrier, mais uniquement d'apprentissage de la vie, du travail dur, très dur.

Les cadences sont infernales et les conditions de travail inhumaines : travail dans le froid et les courants d'air, journées de plus de 10 heures de travail auquel il faut ajouter les trajets (22 km à vélo par jour pendant quelques temps).
Selon les postes, le travail peut être payé à l'heure ou à la production. Certains ont donc intérêt à travailler le plus vite possible pour améliorer leur maigre salaire, mais peuvent être mis en difficulté si ceux payés à l'heure ne leur fournissent pas suffisamment de matière première.

Ceux qui survivent à ce monde sont des surhommes : ils doivent avoir un moral d'acier, ne pas avoir peur de se blesser gravement, et leurs longues journées de travail extrêmement physique (au milieu du XXe siècle, les machines ne font qu'une toute petite part du travail) finissent par les rendre surpuissants.
Mais sous ces carapaces de brutes se cachent des hommes qui restent sensibles et qui, même pour les plus aguerris d'entre eux, finissent parfois par craquer quand le sort s'acharne sur eux.
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