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Citations sur La scierie (17)

Le déligneur, c’est Garnier. Spectacle ahurissant. J’ai d’abord l’impression qu’il est ivre, ou fou de rage. Le déligneur titulaire de la place s’est fait enterrer par le scieur et ne peut plus fournir. Garnier a pris la place et lui fait voir comment on déligne. Ses gestes sont violents : il arrache la planche du tablier avec un rictus méchant, la place sur le petit chariot mobile, l’ajuste à la lame d’un coup d’oeil, et pousse dans la scie, à toute vitesse, le corps jeté en avant. A chaque trait, ses doigts passent à un centimètre de la lame. Il retire son chariot de toutes ses forces et jette les planches hors du hangar, à cinq mètres de lui. On a l’impression qu’il va bouffer chaque planche sur laquelle il met la main : il en bave, il en écume. Sa cadence est insensée. Inutile de s’approcher de lui, on prendrait un paquet de bois dans la gueule. Et on est en fin de journée ! Qu’est-ce que ça doit être au début !
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Je monte me coucher. Mais il y a un os.
L’os, c’est quand on est trop fatigué pour pouvoir dormir. On sommeille. Mes assoupissements sont coupés de cris. Je me dresse, je lance à travers la pièce mes couvertures, mon polochon, tout ce que j’ai sous la main. Je rêve que je suis à la scierie. Pendant les quinze premiers jours, ça sera comme ça, je ne quitterai la scierie ni jour ni nuit. C’est une obsession, une maladie. Le lendemain, je ne suis pas reposé, mais abruti, endolori. Je m’habille comme un somnambule, je mange, je pars dans la brume du matin. 
L’odeur de la scierie me lève le coeur. J’ai autant d’enthousiasme qu’un condamné aux travaux forcés. C’est pas possible de s’astreindre à un tel effort de sa propre autorité. Fou, il faut être, raide fou !
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Je ne sais pas si vous avez déjà vu un homme, un vrai, pleurer. Je vous jure que ça fait un drôle d’effet. J’en ai la gorge serrée (…). J’ai la gorge qui me fait mal, et tout à coup, notre misère m’écrase : le bois, le temps, la fatigue, la peur d’échouer, tout est là, je ne suis pas loin de caler moi aussi. Je sors avec Robert, en silence, découragé, écoeuré. Nous nous couchons sans un mot et je vous jure que je donnerais dix ans de ma vie pour être à cent kilomètres de la petite cabane, dans la coupe de sapin. 
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Fournir !
Les chariots me roulent sur les tympans, ma tête éclate de bruit, et ce son déchirant de la scie toutes les quinze secondes pendant dix heures ! Elle résonne dans mes nerfs. Je ne vois même plus Yvan à l’autre bout du billon, en face de moi. Mes mains écorchées me brûlent.
Fournir !
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Voilà l’ambiance de la scierie. Des hommes rudes, de vrais hommes. Quand un de ces hommes dit : « Je tiens », il tient, on peut y aller, ce ne sont pas des types à chier dans leur froc à la dernière minute. Ils ont tous l’ai très méchant, mais sous cette enveloppe, se cachent des cœurs qui rendent hommage au mérite et au courage. Eux seuls connaissent la valeur de l’effort, parce qu’ils sont habitués à souffrir. Ils ne savent pas tous lire, mais ils sont courageux, costauds, décidés. Ce sont des forts.
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Maintenant je vois de quelle espèce de planche manque Bibi, et je n’en scie pas. Quand il m’en demande, je lui réponds avec un mince sourire :
J’ai pas le temps, attends un petit quart d’heure.
Et Bibi se fait des journées dégueulasses à cause de moi. Je lui rends la monnaie de sa pièce du début. Les rôles sont inversés. J’en profite. J’en abuse, comme un salaud. Il vient de s’acheter une petite maison : il est endetté. Je sais qu’il a besoin de gagner sa vie plus que jamais. Mais à tout instant, son ardeur bute sur un obstacle auquel il ne peut rien, sur une peau de vache qui n’est pas mince, et qui est moi.
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Tout ça me fait penser à un champ de bataille du douzième siècle. Ca devait faire le même bruit, ça devait être la même activité. Cette ambiance de bagarre est réelle. On a l'impression que l'équipe veut exterminer le bois, le hacher, le bouffer. Ici, on ne pose pas, on jette, on lance. (p.77)
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Un à un, les ouvriers sortent sans rien dire, ou en grommelant :
-B’soir à chacun…
C’est marrant. Tout cela me donne l’impression que les ouvriers ne s’aiment pas. Je mettrai trois mois à connaître et à comprendre les histoires du chantier. Elles ne sont pas belles.
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Et le soir n'est rien ; le matin, c'est le matin : celui qui a travaillé me comprendra. Il faut avoir senti cette lassitude au lever, telle qu'on se demande si on va pouvoir sortir du lit, les jointures raides, fatigué à tomber, les jambes molles, le corps entier douloureux dans chaque muscle, toute la viande qui crie grâce !
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Le lendemain, quand je m’installe au banc de scie, Pressurot et moi savons ce qui se passera trois mois après.
Car il est malin, cette vache de Bibi, et il passera trois mois avant qu’il ne s’écroule, un soir, le bout du médius emporté jusqu’à l’os par la dégau.
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