Citations sur Le devoir conjugal : On en est où après #metoo ? (35)
L’anatomie féminine et le clitoris particulièrement ont été jusqu’à récemment très peu étudiés, contrairement aux sexes d’homme qui ont été étudiés et représentés en masse. Pour avoir une idée du décalage des recherches portant sur le plaisir féminin et sur le plaisir masculin : la première dissection du clitoris (par l’Australienne Helen O’connell) et la commercialisation du Viagra ont eu lieu la même année, en 1998.
« Hors du lit conjugal, l’homme était toujours le chef de la femme. Et dans l’acte sexuel même il était supposé actif, donc supérieur à la femme qui était censée subir ses assauts avec passivité. » Pour concilier cette domination de l’homme et le caractère inaliénable de la dette réciproque, les casuistes, déjà évoqués, trouvent alors une nouvelle idée : les femmes doivent rendre leur dû conjugal uniquement si le désir est explicitement exprimé par l’homme, tandis que les hommes sont invités à rendre leur dû conjugal même lorsque les femmes émettent des signaux faibles de désir. Cette règle, supposée aider la nature timide du sexe des femmes et rééquilibrer la dette sexuelle, enferme leurs désirs dans le mutisme.
Si une fierté et une valeur sont attribuées à la femme qui refuserait l’acte sexuel (Dieu sait quel genre de réputation et de mots attendent celles qui s’y laisseraient glisser), il y a d’un autre côté quelque chose de l’ordre de la victoire lorsqu’une femme s’abandonne à un homme et accepte la relation sexuelle. L’érotisation de la résistance des femmes (à la fois comme vertu et comme jeu sexuel) participe à l’idée que d’une part les femmes ont une libido moins importante que celle des hommes et que d’autre part il est normal de forcer et et insister pour « obtenir » un acte sexuel. Mais pire encore, elle rend le consentement féminin suspect et peu désirable.
« Les femmes seraient passives, et notamment dans le rapport sexuel. […] L’homme est actif, il domine la matière, il domine la technique, il domine le pouvoir, il domine les gens et donc il est actif et c’est ce qui donne la gloire, la majesté de l’activité par rapport à la déréliction de la passivité. »
. Le viol est aujourd’hui encore un crime de guerre puissant : afin de saper la structure de certaines sociétés, les soldats violent les femmes et les rendent par là même impropres à procréer, à se marier, à prendre soin des autres… Lorsque des femmes sont forcées à des actes sexuels, le rapport de puissance est une manière de leur rappeler que leur corps appartient à d’autres.
L’horizon du foyer semblant le seul possible, les femmes ont été enfermées et aliénées durant des siècles, en retrait de la vie sociale et donc politique. Non seulement elles sont reléguées à l’intime, au soin, à l’invisible, mais corporellement elles sont exclues de la vie du dehors, absentes en nombre de l’espace public.
Et c’est au regard des obligations que l’on s’impose à soi-même que le devoir conjugal prend tout son sens, en sortant du cadre légal ou marital. Il mériterait presque d’être alors renommé « devoir sexuel » ou « obligation sexuelle ». Il désignerait ce sentiment étrange mais pourtant bien présent de devoir céder pour ne pas embêter l’autre, de s’y jeter sans en avoir vraiment envie, d’avoir plus envie de faire plaisir que de se préserver, d’avoir peur de paraître déplaisant… De minimiser son propre désir ou non-désir pour satisfaire celui de l’autre.
Le terme « conjugalité » est issu de conjugare en latin, qui signifie « unir » mais qui n’est pas exclusivement réservé à l’union maritale. Aujourd’hui, ce mot est défini ainsi dans le dictionnaire Larousse : « Situation de quelqu’un qui est marié. » Dans cette mesure-là, le devoir conjugal dans une compréhension stricte de sa définition contemporaine trouve sa place dans le cadre de l’union maritale.
: « Les rapports sexuels entre époux sont notamment l’expression de l’affection qu’ils se portent mutuellement tandis qu’ils s’inscrivent dans la continuité des devoirs découlant du mariage. »Pourtant, dans les faits, il semble que la notion de devoir conjugal met généralement en scène un homme demandeur et une conjointe demandée. Cette dichotomie s’appuie sur des croyances, des héritages, des discours, des pratiques… qui établissent une distinction entre les libidos féminine et masculine mais qui reposent aussi sur la dualité supposée entre la passivité de la sexualité féminine et la proactivité de l’activité sexuelle masculine.
La notion de viol conjugal, qui semble être le corollaire extrême du devoir conjugal, est d’une importance capitale pour mettre en lumière la schizophrénie du droit français sur cette question. En effet, malgré la reconnaissance juridique du viol entre époux, des divorces pour faute au motif du refus du devoir conjugal sont encore prononcés.