Le devoir conjugal : On en est où après #metoo ?

« Il y a quand même un problème à régler avec le désir de l’homme […] qui est encore complètement omniprésent, qui est au milieu de tout, qui est normal tout le temps […] un moment il faudra que ça dégage. » Elle parle ici du désir sexuel masculin qui s’exerce sur les femmes souvent de manière violente mais surtout de manière continue
Mais au regard de l’ensemble de l’œuvre de l’autrice, l’omniprésence du désir masculin ne peut se réduire à la sexualité, son domaine primaire et le plus évident, et doit être vue comme l’idée que le monde est dirigé par des désirs d’homme.

Le consentement est l’unique choix possible pour les femmes dans un système patriarcal, c’est donc dans les faits une soumission déguisée en un simulacre de choix. Les femmes étant limitées par le patriarcat par des violences psychiques et matérielles répétées.

Un contrat, en droit français, sous-entend le consentement des parties et la création d’une obligation. Or on se rend bien compte qu’il ne peut pas y avoir d’obligation dans la relation sexuelle. Il n’y a pas de contrat. L’autrice admet rapidement une spécificité de la sexualité dans sa réflexion philosophique sur le consentement : on ne peut traiter le consentement intime comme d’autres types de consentement.

De cette « ouverture », cette accession à son propre désir, pouvant être symbolisée par la pénétration (mais pas uniquement), elle distingue les « effractions nourricières » et les « effractions traumatiques ». Les premières sont les rapports sexuels qui viennent construire le féminin en acceptant l’« ouverture » évoquée plus haut. Les secondes sont les rapports qui ont une dimension traumatique, sans participation vertueuse à la construction du féminin. L’enjeu de cette étude du « travail du féminin » est aussi de nourrir les réflexions sur le « refus du féminin » comme un roc, c’est-à-dire un axe de construction des individus.

Si l’on souhaite comprendre au mieux la complexité du désir et de la sexualité, nous ne pouvons passer à côté des théroies freudiennes sur la question. Le psychanalyste a pensé la sexualité non pas seulement comme le sexuel génital mais bien le désir et la jouissance sous toutes leurs formes et comme moteur de la vie. Il ne pense pas que tout est sexuel mais bien que la jouissance, la libido, le désir, etc, prennent une part fondamentale dans la construction des individus et souligne ainsi le caractère complexe de la sexualité.

Dans la sexualité, un consentement éclairé pourrait être un consentement joyeux, volontaire et fait en toute connaissance de cause. Cette notion est questionnée par Clotilde Leguil qui estime que l’on peut consentir à des choses qui feront, sans qu’on le sache par avance, trauma.

Si on estime qu’il ne faut pas « céder sur son désir », cela ne donne en rien le droit de s’emparer du corps de l’autre pour y répondre. Il me semble que c’est là un des éléments les plus importants dans la compréhension des relations sexuelles et des dynamiques de pouvoir : c’est le groupe dominant socialement qui peut s’emparer des corps des groupes dominés pour rencontrer son désir, au détriment de l’autre.

Le désir est souvent un mystère et la sexualité, plus qu’une accession au désir, est une recherche de ce que nous désirons. Le consentement ou son absence qui découlent de cette quête recouvrent de nombreuses nuances. Celles-ci ont pu être utilisées pour discréditer des récits individuels ou des discours politiques sur les violences sexuelles.

Les pratiques sexuelles ont une signification politique. La sexualité se construit dans un système. On jouit forcément dans un contexte. On désire selon des codes. Il n’y a pas de démarcation nette entre la sexualité et les paradigmes dans lesquels elle évolue. Ainsi, même si certains plaisirs individuels échappent à ce qui est raisonnable (dans le sens de ce qui peut être raisonné, modifié), il n’en est pas moins primordial d’en faire l’analyse.

« La sexualité est un lieu paradoxal pour les femmes, lieu de domination et d’émancipation. […]. Beaucoup de femmes ont été prises dans cette immense contradiction ; sentir leur pouvoir en tant que pouvoir sexuel et être diminuées par la même sexualité qui leur donnait le sentiment de leur pouvoir. #MeToo est peut-être le moment où nous devons faire le bilan sur la sexualité et le rôle paradoxal et contradictoire qu’elle joue pour les femmes. »