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Critique de Marmara


Pardon d'être si longue, mais il y a des choses qu'on ne peut ni ne doit laisser passer.

Quand ça veut pas, ça veut pas. La mayo ne prend décidément pas entre cette auteure et moi. Si bien que je voudrais pouvoir dire que sa plume ne vaut rien, mais non, je serais de mauvaise foi, sa plume est magnifique.

Dans ce roman, "La noce d'Anna", Natacha Appanah brosse le portrait de deux femmes. Celui de la narratrice, quadragénaire, comme elle née à l'île Maurice, le cheveu noir et la peau foncée, et celui de sa fille Anna, jeune fille à la peau blanche et aux cheveux noirs qui furent blonds dans sa petite enfance. Anna convolera bientôt en justes noces, ce qui amènera sa mère à faire le bilan de sa vie, avec, forcément, les états d'âme qui viendront s'y greffer. Voilà donc pour le résumé.

J'ai à coeur que tous mes amis (es) et autres lecteurs qui ont bien noté ce livre, sachent que j'ai pour leur opinion le plus grand respect. Cependant, je crois, et je suis même certaine, d'avoir posé sur cet ouvrage un regard d'ultra-marine, et sans doute est-ce la raison pour laquelle je suis à contre-courant.

J'ai été profondément choquée par le choix de l'auteure, concernant la position qu'elle donne à cette mère par rapport à sa fille. Une fille qu'elle aime, mais d'un amour inquiet, empreint d'un respect équivoque, de peur, et d'une crainte obsessionnelle de lui déplaire.

Je cite : "J'ai toujours peur d'affronter ma fille, comme si je me sentais en état d'infériorité, incapable de soutenir ses arguments. Je n'arrivais jamais à en placer une, paralysée que j'étais par mon amour, et par ma crainte". Plutôt lamentable, vous en conviendrez. Je poursuis, et la suivante ne manque pas d'épices...

"Moi qui ai tant pesté contre les communautés la couleur de peau, les types de cheveux, voilà que moi-même, j'ai d'une façon simple et évidente, écarté ma fille de moi. Parce qu'elle est pâle, parce qu'elle aime les chiffres, parce qu'elle aime l'ordre et les agendas".

Nous y voilà ; "parce qu'elle est pâle"... Étant donné l'entrée en matière, je considère que ce fameux amour des chiffres, de l'ordre et des agendas n'est que fioriture. L'essentiel est dit. Mais je n'étais pas au bout de mes surprises, car, cerise sur le gâteau, Anna, qui tient à ce que le jour de ses noces ne soit entaché d'aucune fausse note, veillera, tenez vous bien... à ce que sa mère n'enfreigne surtout pas les règles de bienséance. Que s'est-il passé dans la tête de l'auteure, elle seule sait...

On peut certes me rétorquer que ce n'est qu'une fiction, mais un écrit en dit long sur celui qui en est l'auteur. La narratrice, qui a quitté son île natale, et qui, vous l'aurez compris, a eu cet enfant d'un homme de race blanche, parle de son lieu de naissance en ces termes :

"Ce pays magnifique et raciste, ce pays où le travail est une vertu et le mensonge un art de vivre". Si cette dernière a vent d'un pays où il n'existe ni racisme, ni mensonges, qu'elle me mette au parfum, et demain aux aurores je plie bagage et m'en vais sans même me retourner, m'établir au pays des bisou
nours !

Qu'elle ait pareille opinion de son pays, soit. Mais ce qui pourrait prêter à sourire si ce n'était si inconséquent, c'est qu'elle n'a pas sitôt gratifié son île de propos on ne peut plus assassins, que ni une ni deux, là voilà qui s'attaque au... racisme à Paris. Difficile de ne pas y voir une obsession !

Anna est encore une enfant lorsque, un jour au supermarché, elle lâche la main de sa mère et s'égare. Retentit alors une voix invitant la maman d'une petite fille blonde à la récupérer à l'entrée du magasin. Mais comme pour cette "femme des îles", décidément rien n'est simple, le méchant vigile ne consent à lui rendre sa... petite tête blonde, qu'après moult tergiversations et regards suspicieux.

"Et quand j'ai tenu ma fille dans mes bras, j'ai vu ce que ce vigile avait vu : Une blonde bouclée, à la peau fine, une petite Française, et une femme hystérique, les cheveux noirs, une étrangère". On ne pourrait voler plus bas...

"Traumatisée" par cet évènement, elle quitte Paris pour la ville de Lyon. Mais qui prend-elle pour des imbéciles ? S'il suffisait de parcourir quelques centaines de kilomètres pour vivre dans un monde meilleur, il me semble que ça se saurait, et que personne n'aurait attendu les élucubrations de Natacha Appanah !

"Six mois après notre arrivée, les cheveux de ma fille fonçaient". Voilà une auteure qui a le don de vouloir faire ingurgiter au lecteur des pilules indigestes. "Alors aujourd'hui, quand je la vois si pâle, si Française, si d'ici, j'ai peur qu'elle redevienne différente de moi, au point où les gens m'écarteront d'elle parce que je ne serai qu'une étrangère à la peau brune". Que de propos affligeants... Je ne peux qu'espérer que madame Appana s'est inspirée de sa propre personne pour créer un personnage aussi caricatural, dans lequel peu de femmes ultra-marines se reconnaitront. Je suis consternée...

J'ai lu 3 livres de cette auteure, et si la beauté de sa plume ne peut être contestée, je crois pouvoir dire qu'il est bien dommage qu'elle ne la mette pas au service d'ouvrages plus pertinents. Natacha Appanah tente de traiter certaines thématiques, mais elle n'en n'a pas l'envergure. L'esprit d'analyse lui fait cruellement défaut. Elle ne sait que survoler les sujets, et se contente de traiter ses personnages sans aucune nuance.
Il serait bon qu'elle s'assure du bien fondé de ses récits, ou qu'elle laisse à de plus fins observateurs ces sujets qu'elle traite avec beaucoup trop d'amateurisme. L'idée de la relation filiale ne manquait pourtant pas d'intérêt, celle du métissage non plus, puisqu'il en est très largement question, mais Natacha Appanah s'attaque à des thématiques qui requièrent un esprit critique et une finesse d'analyse, or, elle ne possède ni l'un, ni l'autre.

Chacun sait que cette auteure évoque des îles qui ont été le théatre d'une époque peu glorieuse de notre Histoire, à savoir, la colonisation, dont une grande partie de la population porte encore les stigmates. Entre descendants d'esclaves, descendants de colons, descendants d'Indiens et métis de toutes sortes, le "vivre ensemble" n'est pas toujours chose simple. Que cet asservissement ait pu impacter la construction ou l'estime de soi des générations qui ont suivi, et ce, quelle que soit la couleur de la peau, n'est pas chose impossible non plus.

Mais madame Appanah, ne vous attaquez pas à des sujets si complexes, si sensibles et épineux, car vous n'êtes pas à la hauteur de vos prétentions. Personne ne vous en tiendra rigueur, mais de grâce ! Épargnez nous ce genre d'ouvrages, car votre personnage n'est ni plus ni moins qu'une affligeante caricature de la femme ultra-marine, et je referme ce livre en n'ayant qu'un seul espoir, c'est que vous vous soyez inspirée uniquement de votre propre personne.



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