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Critique de Yokay


La lutte pour l'autonomie du Pays basque, l'ETA : une histoire dont je ne savais a peu près rien. Fernando Aramburu nous plonge dans le quotidien de deux familles pendant et juste après les années de terrorisme.
Bittori et Miren, habitaient le même village et étaient amies. Elles avaient failli prendre le voile ensemble, elles se sont mariées à un mois d'intervalle, leurs maris et leurs enfants étaient amis. Quelques années plus tard, elles ne peuvent même plus prononcer leur prénom réciproque, elles sont devenues l'une pour l'autre « ces gens-là » ou « la folle », et Bittori a dû quitter son village. Comment en sont-elles arrivées là ? C'est toute l'histoire de Patria.
L'ETA vient d'annoncer son cessez-le feu. Les armes se taisent, les personnes peuvent enfin se parler.
Bittori veut revenir s'installer dans son village, et y enterrer son mari, ostracisé puis assassiné par l'ETA. Son tort ? Etre entrepreneur, donc supposé « riche », et avoir voulu négocier les conditions de paiement de l'impôt/racket révolutionnaire, exorbitant. Elle veut surtout obtenir la demande de pardon de l'ETA.
Miren espère encore le rapprochement de son fils, membre actif de l'ETA, emprisonné pour de longues années à l'autre bout de l'Espagne. La demande de pardon aux victimes ? il n'en est pas question, ce sont eux les victimes du gouvernement espagnol.
Le mari de Miren ? Profil bas, honte, déprime. Les autres enfants des deux familles ? Fuite forcée, car si on n'est pas publiquement militant de l'ETA, c'est qu'on est un traitre à la cause, donc une cible potentielle. La neutralité, la construction d'une vie normale ? impossible.
Démonstration implacable de la folie et de l'absurdité de ces luttes fratricides, amis un jour, ennemis le lendemain, victime potentielle à tout moment, où on peut sortir acheter son pain et ne pas revenir, où il vaut mieux ne pas dire à ses nouveaux amis que l'on est de la famille d'une victime…
Mention spéciale à l'écriture de Fernando Aramburu, envoutante. Une inscription solide dans le quotidien de chaque personnage, hyper réaliste et crédible. Leur parcours de vie, espoirs, désillusions, issues. Un climat plombé, au propre comme au figuré. Des chapitres courts, qui nous ballotent sans transition d'une époque à une autre. Des phrases longues mais limpides, qui mélangent la narration et le dialogue, la première et la troisième personne. C'est d'un tel dynamisme que l'on ne voit pas passer les 724 pages (de l'édition Babel). L'auteur est lui-même (probablement) un des personnages du roman, sous les traits d'un écrivain en conférence.
C'est implacable et terriblement efficace. Un très grand livre.
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