AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Zebra


Paru aux Éditions Denoël dans la collection Folio Essais, « On n'y voit rien - Descriptions » est un petit ouvrage (216 pages) consacré à l'analyse de tableaux souvent connus du public.

Que voit-on quand on se présente innocemment devant un tableau ? Exceptée l'évidence du visible, saisit-on exactement le sens de tous les détails de la peinture qu'on a devant soi ? A-t-on la certitude de pénétrer suffisamment dans l'oeuvre jusqu'à en percevoir les intentions cachées, les géométries secrètes mises le cas échéant en place par l'artiste ? Si oui, quelle est -dans cette certitude- la part de l'imaginaire, de l'auto-conviction et de la déduction ? A-t-on besoin pour conforter cette certitude de se référer à des écrits ou à des analyses savantes, voire ennuyeuses ? Est-ce qu'un tableau ne se suffit pas à lui-même ? Faut-il absolument chercher à interpréter nos émotions lorsque nous sommes en présence d'un tableau ? Si oui, il y aura pléthore d'interprétations pour un même tableau ; alors que faire de l'interprétation officielle -ou de référence- de ce même tableau ? Voici quelques questions qui sous-tendent l'ouvrage de Daniel Arasse, normalien, ancien membre de l'École française de Rome, ancien directeur d'études au Centre d'Histoire et de Théorie des Arts, auteur de « On n'y voit rien - Descriptions » et auteur de plusieurs livres consacrés à la peinture, sa passion. A ces questions, Daniel Arasse apporte une réponse lapidaire : on n'y voit rien, et comme on n'y voit rien, un brin d'aide devient nécessaire, sinon le spectateur passerait à côté de l'essentiel ...

Six tableaux de maître et, par conséquent, six analyses servent de toile de fond à ce débat. le ton de Daniel Arasse est vif, libre, ironique, familier et drôle, voire cocasse. L'humour et l'intelligence artistique sont présents partout. La forme est variée : dialogue passionné entre des protagonistes (dans La Femme Dans le Coffre), interpellation directe du lecteur (dans le Regard de L'escargot), recours à une correspondance épistolaire (dans Cara Giulia), exposé magistral (dans Un Oeil Noir), auto-analyse de conscience (dans L'oeil du Maître). Globalement, l'ouvrage n'est ni barbant, ni inutilement compliqué, le « professeur » sachant s'effacer derrière le conteur ou le candide. Notre plaisir se maintient donc tout au long de l'ouvrage et, au fur et à mesure, nous percevons l'importance de détails qui nous avaient échappé, des détails essentiels à la compréhension du sens du tableau. le « professeur » distille son savoir avec efficacité : nous pouvons donc comprendre l'importance du choix des formats, des dispositions, des couleurs, des éclairages, des relations entre les éléments du tableau, de la composition et de la structure du tableau, des symboles attachés à certains éléments incorporés dans le tableau .... le lecteur, débutant ou connaisseur, qui voit ainsi les oeuvres revivre sous ses yeux, en sort ragaillardi et puis, grâce à ce patient et méticuleux travail de pédagogue, tout lui parait lumineux, simple et accessible : dans un musée ou lors d'une exposition, il ne regardera plus un tableau comme il le faisait jusqu'alors. Bref, nous avons ici un livre passionnant en forme d'enquête.

Mais il y a un mais. Cet ouvrage présente quelques faiblesses : des phrases parfois très longues (plus d'une page), une langue inutilement complexe (avec des mots rares, des expressions latines et italiennes), une base d'analyse des tableaux supposant une solide culture (arts, histoire et philosophie), un discours déstabilisant de la part de l'auteur (pour lui, le sens d'un objet ne serait jamais clair, univoque, incontestable), une part de sur-interprétation de sa part qui frise la devinette avec, en filigrane, le risque qu'il aille jusqu'à interpréter ce qui n'est même pas peint, pour céder au démon de la déduction, faisant ainsi preuve de haute voltige, voire de masturbation intellectuelle (ce que lui reproche d'ailleurs un des protagonistes). Compte tenu de tout cela, je ne mets que quatre étoiles.
Commenter  J’apprécie          190



Ont apprécié cette critique (17)voir plus




{* *}