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Critique de Andromeda06


« Naître fille est une malchance. »

Et notamment dans l'Italie des années 1960... Oliva Denaro a tôt fait de le comprendre car, pour laver son honneur et sa réputation, il lui faut épouser son violeur. Comme le dit sa mère : « Une fille, c'est comme une carafe : qui la casse la ramasse ». La loi et la justice vont également dans ce sens : si le violeur s'unit par le mariage avec sa victime, sa faute est réparée. Mais si la victime se donne le droit de choisir de ne pas l'épouser, lui ne sera pas inquiété pour autant (bah oui, lui est prêt à l'épouser, c'est elle qui ne veut pas, à elle d'assumer la faute) et elle sera condamnée à finir vieille fille dévergondée...

Autant dire qu'on marche sur la tête, surtout quand on sait que cette loi n'a été abrogée que dans les années 1980...

Viola Ardone, avec ce second roman, tape fort, de sa plume pourtant si envoûtante et doucereuse. Après "Le train des enfants", je découvre une autre facette de l'histoire italienne que je ne connaissais pas. Elle nous parle ici de la place des femmes italiennes d'il y a à peine plus d'un demi-siècle, de leur condition et de leur considération (inexistante). de la femme qui n'existe pas au singulier : car avant d'appartenir à son mari, elle appartient d'abord à son père. Et elle nous en parle à travers l'histoire d'Oliva.

Et en plus d'une histoire marquante (et aberrante), Viola Ardone a su dépeindre l'Italie des années 1960 de manière envoûtante. On plonge tête la première dans cette époque, dans ce petit village de Sicile, avec ses traditions et ses modes de vie, ses nombreuses règles qui régissent la vie des filles, ses lois et principes ancestraux, avec ses rumeurs et ses "langues-coupantes". On y est totalement imprégnés, j'ai d'ailleurs tout vu en noir et blanc.

Côté personnages, c'est tout bon également. La narration étant à la première personne, nous sommes directement projetés dans la tête d'Oliva et vivons tous les événements à travers elle. C'est elle qui nous présente les divers personnages qui alimentent son histoire : sa mère très à cheval sur les traditions, l'honneur et la réputation de la famille ; son père qui peine à s'exprimer, un peu effacé, amoureux de son jardin ; son frère jumeau qui a le droit de grandir moins vite qu'elle grâce à sa condition de garçon ; son ami d'enfance qu'elle n'a plus le droit de fréquenter depuis qu'elle est devenue femme ; le fils du pâtissier qui la courtise de façon indécente ; et quelques autres figurants encore qui viennent mettre leur grain de sel, colporter des rumeurs, juger à l'occasion (et les occasions sont nombreuses), ou encore aider et soutenir, et dont le rôle n'est pas si anodin.

Des personnages charismatiques, bien fouillés, qu'on aime à suivre et voir évoluer, changer, s'émanciper. Des personnages qui nous touchent et d'autres qu'on aime à détester.

Dans la toute dernière partie, Oliva partage la narration avec son père. On assiste donc à une forme de dialogues intérieurs entre le père et la fille que j'ai trouvés très touchants. La relation qu'Oliva entretient avec son père est d'ailleurs attendrissante tout au long de la lecture parce que sincère, tout comme celle avec sa mère également (bien qu'elle évolue de manière fort différente).

Je ressors de ma lecture totalement conquise : des personnages pittoresques, un cadre historique bien dépeint et immersif, juste ce qu'il faut d'émotions, une jolie plume tout à la fois douce et piquante.

Un roman captivant et saisissant.
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