Extrait du livre audio « le Choix » de Viola Ardone, traduit par Laura Brignon, lu par Marie du Bled et Jean-Marc Delhausse. Parution numérique le 19 juillet 2023.
https://www.audiolib.fr/livre/le-choix-9791035412777/
Je pense à ma maman Antonietta. Le soir, au lit, je collais mes pieds froids contre sa cuisse. Elle s’énervait : « Tu me prends pour ton radiateur ? Enlève-moi ces bouts de morue de là ! » Mais après, elle m’attrapait les pieds et les réchauffait entre ses mains, orteil par orteil. Et je m’endormais, mes doigts de pied au chaud entre ses doigts de main.
(pages 70-71)
Dans cette école, la maîtresse est un monsieur qui s’appelle M. Ferrari. Il est jeune, il n’a pas de moustache et ne roule pas les r. Il dit aux autres que je suis un des enfants du train, qu’ils doivent m’accueillir et me faire me sentir comme chez moi. Chez moi, je n’avais rien, je me dis. Alors ce serait mieux qu’ils me fassent me sentir comme chez eux.
(page 124)
L’amour ne s’impose pas, il se donne…
(page 255)
Je referme les portes de l'armoire et garde ma tenue de travail. Je ne veux pas avoir l'air belle, je ne veux pas suivre de conseils, je ne veux plus obéir à personne. A quoi ça m'a servi ? A la place des tables de multiplication et des verbes irréguliers, on aurait dû nous apprendre à dire non, parce que dire oui, les filles l'apprennent dès leur naissance.
page 236
Tu sais ce que c’est, les enfants ? C’est comme ces graines apportées par le vent qui viennent germer sur ta terre, il faut les laisser pousser pour savoir quel fruit elles donneront, on ne peut pas le deviner à l’avance.
(page 350)
Toutes mes enseignantes ont menti : les tables de multiplication sont un leurre, le passé antérieur un mensonge, les formes active et passive, mais où est donc Ornicar, le complément d’objet, les idées de mars, viens mon chou, mon bijou, viens sur mes genoux avec des joujoux et des cailloux pour éloigner les vilains hiboux pleins de poux : tout est mensonge et, seule, chagrine, je chute.
(page 220)
Si j’étais née garçon, comme Cosimino, j’aurais pu rester avec moi-même, sans devoir appartenir à un homme. Mais je suis née fille, et le féminin singulier n’existe pas, même si notre institutrice Rosaria n’était pas d’accord.
(page 177)
La maîtresse fixait des étoiles sur le tablier blanc des écolières les plus studieuses. Les règles des étoiles, c’était : lis sans ânonner, écris sans tâcher ta feuille et calcule dans ta tête, sans compter sur tes doigts.
Liliane n’est pas comme moi : elle est belle, et malgré cela elle ne pense proprement pas à se marier. Elle dit qu’une femme a besoin d’un homme comme une brebis d’un accoutrement de cérémonie.
( Liliana non è come me: lei è bella, ma nonostante questo a maritarsi non ci pensò proprio . Dice che una donna ha bisogno dell’uomo come una pecora di un vestito di cerimonia )
*Des ados de 15 ans dans la campagne sicilienne, années 60.
Parfois ceux qui te laissent partir t'aiment plus que ceux qui te retiennent.