Je croyais que pour vivre il suffisait d'être née, de respirer, de bouger, enfin tout un tas de choses mais pas de l'argent.
- Ah bon, il faut de l'argent pour vivre ?
- Oui évidemment.
Bon d'accord, va pour papa...
- Mais toi, maman, tu travailles aussi pour gagner de l'argent ? Pour qu'on en ait encore plus et qu'on puisse vivre encore plus ?
Maman s'était offusquée :
- Ah non, ma chérie, moi je ne travaille pas QUE pour l'argent ! Je travaille parce que je suis une femme libérée. Tu sais, ma fille, les femmes ses ont battues pendant très longtemps pour acquérir le droit de travailler comme les hommes.
C'est pas vrai ?
Les femmes se sont battues pour pouvoir faire comme papa ? Se lever aux aurores, avaler un café en vitesse, travailler dix heures d'affilée et revenir à la maison si fatigué qu'il ne peut même plus jouer aux petits poneys ?
Mais elles sont folles les femmes !
Si c'est un créateur étranger -comme souvent - dont la collection est particulièrement affreuse -comme souvent -, lâchez un extatique : "Magnificent !" Et si, sait-on jamais, vous avez trouvé sa collection particulièrement réussie ou que le bonhomme est particulièrement connu, lâchez un "DIVINE" en le prenant dans vos bras. Sauf si c'est Karl, bien sûr. Tout le monde sait que Karl Lagerfeld est "phobe" : agoraphobe, claustrophobe, obèseophobe.
Moi je sais surtout qu'il est allemand : froid comme un caillou. Fier comme Artaban. Complexé comme... un Allemand.
Rapidement, c’est le boulot en lui-même qui m’a tapé sur les nerfs. Ras-le-bol de ce bullshit job qui consistait à mettre des chiffres dans une case. Non mais franchement, il y a vraiment des gens qui s’éclatent à faire des tableaux Excel ?
Moi, c'est différent, je veux faire souffrir. Sans doute parce que je souffre. Mamie Pierrette dit souvent : "Il n'y a pas de gens méchants, il n'y a que des gens malheureux." C'est vrai. Mais j'évite d'y penser, parce que c'est terrible de s'avouer que l'on souffre et qu'on en devient une foutue sadique !
Les habitudes sont là pour poser un cadre de vie pas des barreaux de prison.
Enfin, parler de carrière serait prétentieux. J'apportais des cafés et des photocopies à un gros Franco-Marocain, patron d'une grosse boîte de pseudo-fringues. C'est le seul job un peu sexy que javais trouvé... bon, autant dire que c'est le seul job que j'avais trouvé. Après cinq ans d'école de commerce.
Mais n'allez pas croire que l’École de commerce fut inutile, loin s'en faut, j'en veux pour preuve qu'en plus d'enseigner des matières extrêmement utiles telles que la finance internationale, le management interculturel ou le marketing digital, elle apprend à ses élèves ce qu'ils sont : les grands dirigeants de demain ! Dire qu'en sortant de cette école, je ne savais même pas diriger ma vie...
Depuis que je réapprends à vivre, j’ai réussi à me débarrasser de bien des peurs, celle de manquer d’estime, d’amour, de reconnaissance … mais cette peur de manquer d’argent est profondément
ancrée en moi, la salope !
L’unique intérêt de ce livre avait été de me conforter dans l’idée que ma mère était folle. Non seulement maman ne lisait pas Astérix, mais en plus elle aimait les croassements incongrus de cette Corneille, sans parler qu’elle ne s’amusait jamais et qu’elle travaillait tout le temps. Une chose était sûre : quand je serais grande, je ne serais pas comme maman.
Les paroles parlent à la tête, mais le silence parle au cœur.
C’est long un aujourd’hui quand on ne sait pas quoi en faire.