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Critique de SophieChalandre


Ce livre La danse du feu a été écrit en 1932 dans un contexte de modernisation de l'Argentine, entamée à la fin du 19ème siècle et qui a vu l'apparition de grandes concentrations urbaines avec l'émergence d'une classe moyenne et d'une catégorie ouvrière. de même pour la culture argentine avec une frénésie journaliste et éditoriale et une accélération de la circulation des valeurs culturelles ouvertes aux influences européennes et nord américaines. C'est ainsi qu'en Argentine la ville va faire le romancier.
Apparait alors une réflexion chez les intellectuels argentins sur le citadin isolé, individualisé, son vide spirituel et la relativisation de ses valeurs, mais avec un optimisme affiché concernant l'avenir comme source d'un nouvel Argentin, synthèse et somme d'un cosmopolitisme historique et culturel propre à l'Amérique Latine. La crise de 1929 et la "décade infâme" des régimes autoritaires vont voir émerger la génération narrative de Roberto Arlt : celle issue des désillusions de la petite bourgeoisie progressiste qui va se recroqueviller sur ses intérêts immédiats et ses angoisses existentielles.
Avec La danse du feu, pour la première fois un écrivain met à nu la structure de la petite bourgeoisie argentine s'attaquant à son noyau le plus sacré : la famille et le couple, avec une causticité inédite.

Dans un style feuilletonnesque parsemé de fragments théâtraux, Roberto Arlt narre la tragi-comédie d'Estanislao Balder, un ingénieur d'une trentaine d'années, marié et père d'un enfant, qui pour échapper à la fadeur de son existence s'éprend d'une jeune étudiante de dix-sept ans qui relève plus du fantasme de Balder que d'un véritable personnage. On devine avec Arlt qui peut avoir le dessus entre la force des conventions sociales, la médiocrité d'un homme velléitaire amoureux et une jeune fille dont la mère est soucieuse d'assurer l'avenir tout en exploitant les désirs du soupirant : le pragmatisme social s'impose au détriment des sentiments.

Si Roberto Arlt critique de façon acerbe le mariage et la fidélité domestique, ses conventions hypocrites et l'institution familiale comme promesse de bonheur, il n'hésite pas à dénoncer la médiocrité et le conformisme de l'ensemble de la société urbaine argentine au travers d'un Balder convenu, égoïste mais lucide et critique sur sa vie, cependant incapable d'opérer un quelconque changement existentiel. le récit se déroule dans un vertige de réticences, d'ambiguïtés, de mensonges et de renoncements, dans un jeu pervers entre tensions des désirs individuels et puissance des convenances collectives.
Ce roman La danse du feu fait écho à "Las aguafuertes porteñas", rubrique que tenait Roberto Arlt dans le journal argentin El Mundo, où le thème des relations amoureuses des Portègnes occupait une place essentielle et où l'auteur y a écrit : "les traditions socialement acceptées et le contrat de mariage ne servent qu'à dissimuler les conditions de la propriété et de la production capitaliste que la morale et les bonnes moeurs administrent".
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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