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Critique de NanouAnne25


Un roman jeunesse qui est un hymne à la liberté et à la lutte contre les préjugés raciaux.

« Etudie, ma fille. Je veux que tu puisses vivre sans avoir besoin d'un mari. Que tu sois libre ». Cette déclaration d'un papa camerounais à sa fille de huit ans parait aller à l'encontre de la culture du pays.

Anthéa a huit ans lorsque l'on fait sa connaissance au Cameroun. Aux yeux des gens, elle est douce, tranquille, sérieuse, le contraire de sa cousine Diane. A mes yeux, je rajouterais docile et un peu effacée. Elle va à l'école, sauf le mardi. C'est jour de marché et elle doit aider sa maman à vendre les fruits et légumes. de ce fait, elle accumule du retard scolaire. C'est l'aînée de la famille, elle s'occupe de ses petits frères, c'est ainsi dans la tradition camerounaise. Anthéa n'aime pas l'école, mais elle chérit sa culture, sa famille, sa liberté, même si tout n'est pas toujours rose autour d'elle. Et puis, elle grandit, elle embellit, son corps change. Fini le temps de l'insouciance. le 23 avril 2010, c'est le jour où tout change pour elle. Elle a 12 ans et son père lui annonce qu'elle va partir en France vivre chez un couple de blancs, des français. Ses parents l'aiment de tout coeur, mais leur situation financière a eu raison de leur amour. Comme beaucoup d'africains, ils pensent qu'en France, c'est l'eldorado. Leur fille pourra y poursuivre ses études, apprendre un métier, et les aider financièrement. Et puis, ils connaissent le couple avec qui Anthéa va repartir. le mari et sa femme sont arrivés il y a deux ans, pour une mission professionnelle. La femme est une cliente régulière du marché, elle achète les fruits et légumes de la maman et prend parfois le temps de discuter un peu. Ils ont deux enfants, un garçon à peine plus jeune qu'Anthéa, et une petite fille. C'est une famille perçue comme modèle, idéale et en plus, aisée de surcroît. Autour d'elle, Anthéa fait des envieux. Car aux yeux de tous, la France est le but ultime, le rêve de tout africain. Mais voilà, le rêve va tourner au cauchemar. Déjà, pour Anthéa, il lui faut s'habituer à une nouvelle culture, un nouvel environnement. L'insolence des ados envers leurs professeurs et leurs parents, elle n'y est pas habituée. Et puis surtout, le changement de comportement des adultes chez qui elle loge. Eux qui paraissaient si calmes et bienveillants au Cameroun changent radicalement d'attitude, face au rythme effréné de la vie parisienne, au stress engendré par leurs problèmes de couple que leur séjour au Cameroun n'a pas réglé, mais surtout face à certains préjugés tenaces. Des siècles après l'abolition de l'esclavage, certains persistent encore dans cette idée de race inférieure, d'humains destinés servilement à l'accomplissement des tâches domestiques… Car c'est ce que va vivre Anthéa, un état de servitude.

"- « Esclavage ? »
- le mot te choque ? Tu as perçu un salaire pour ce que tu as fait chez eux ? Privée de liberté, de papiers, mise à leur service jour et nuit. Tu appellerais ça comment ?
- Il y en a d'autres alors…des cas comme moi ?
- Oui. Sans doute beaucoup, et ça n'intéresse pas grand monde. On est dans le pays des Droits de l'Homme, circulez, y'a rien à voir."

Il est grand temps d'abolir dans les esprits récalcitrants ce lieu commun : Noir = esclave...UN AFRICAIN NE NAIT PAS POUR ETRE ESCLAVE !!! L'apartheid, la traite des noirs, l'esclavage, c'est terminé !

La douce Anthéa, effacée, qui ose à peine se rebeller. En France, ce n'est pas la liberté qu'elle a trouvé, mais la captivité. Seule, noire, étrangère… c'est une proie, une proie facile, « la proie », comme d'autres l'ont été avant elle et le seront après elle. La couverture, que je trouve superbe, met en valeur cette jeune fille africaine qui rêve d'évasion, de son pays natale, de sa montagne, des siens. Elle n'aura d'autres choix que de puiser dans ses ressources pour apprendre à s'affirmer et à ne pas laisser les autres la soumettre comme une moins que rien. Elle va se battre pour retrouver sa liberté, on assiste à l'évolution de sa personnalité qui fera d'elle une femme décidée.
Après avoir terminé le récit, j'ai relu le prologue, où il est question d'une fourmi traquée par un enfant, qu'Anthéa observe à 4 ans et qu'elle espère vivante. Une fourmi qui lui servira de fil conducteur entre le Cameroun et la France. Cette anecdote prend tout son sens une fois le roman achevé. Car cette fourmi, c'est Anthéa…

C'est un roman jeunesse qui peut être exploité avec des ados sur plusieurs points (là, c'est la doc qui parle) : la France vue par les étrangers, ce « pays où l'argent pousse sur les arbres » ; puis ce qu'elle est dans la réalité, comment les élèves, qui y vivent, la perçoivent. Des discussions sur la culture africaine, la tolérance, l'acceptation de l'autre et surtout de l'étranger peuvent aussi être menées.

Comment amener les ados à la lecture de ce livre ? Une playlist aux styles divers et variés (jazz, rock, soul…) accompagne chaque partie du roman. Des sons connus, tel « Think » d'Aretha Franklin, et moins connus, au rythme africain qui réjouira les classes multiculturelles. Quand la musique sert de passerelle à la lecture… Quant à moi, j'ai découvert une petite merveille, « Say yes », d'Iyeoka, une jolie ballade amoureuse qui colle parfaitement à l'esprit de la dernière partie du roman.

A partir de 14-15 ans, et pour les adultes aussi bien sûr!
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