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Critique de April-the-seven


Merci aux Éditions Michel Lafon pour cette lecture. Boys Out ! est le premier titre de Rawia Arroum, et je me souviens l'avoir dévoré. L'auteur a toujours des idées tortueuses, incongrues et uniques en leur genre. de ce fait, j'avais repéré ce titre bien avant sa sortie, et lorsqu'il a été annoncé, j'étais joie d'apprendre que j'allais enfin l'avoir en ma possession. le visuel donne terriblement envie de se plonger dans cette histoire. Je pense même que c'est l'une des couvertures que je préfère dans cette maison d'édition. Une véritable merveille. Mon ressenti sur le contenu du livre était assez fluctuant, mais globalement, j'ai passé un moment sympathique dans cet univers tumultueux.

Le monde tel que nous le connaissons n'existe plus. La technologie a disparu, au profit d'une vie plus simple, où magie et musique composent leur propre mélodie. À leur naissance, les bébés sont baptisés dans une rivière sacrée qui leur confère une mélo-âme, c'est-à-dire les premières notes d'une mélodie qui renferme de la magie. L'instrument de musique devient alors partie intégrante de la personne, et l'un ne peut pas vivre sans l'autre. La musique, c'est la vie. Les mélo-âmes guident l'existence et déterminent ce qu'il adviendra du détenteur.

​Dylan vit dans le clan Hard, un clan où la musique rime avec l'art de la guerre. L'ennui, c'est qu'il cache un très lourd secret. Personne n'a jamais entendu sa mélo-âme ; et pour cause, la sienne est défectueuse et ne recèle d'aucune forme de magie. Sa guitare, Rubby, paraît morte avant même d'avoir servi, et il peut s'en éloigner sans se sentir tiraillé. En fait, Dylan est un simple musicien qui ne ressent pas la musique comme ses semblables.

J'en conviens, raconté de cette façon, ça a l'air bien compliqué, mais on se fait très vite à cette bizarrerie, l'auteur met tout en oeuvre pour qu'elle soit intégrée. le voleur de coeur est une histoire bien pensée, avec un univers très développé, qui m'a captivée à bien des moments. L'idée d'origine est inédite et transporte le lecteur dès les premières pages.

Ayant découvert ce roman en lecture commune, nous avons décidé de le lire en deux fois, c'est pourquoi je parlerai de première et de deuxième partie. Je ne vais pas vous le cacher, j'ai préféré la première partie, celle où on découvre l'univers, où on s'imprègne de la magie, celle où la poésie se cache dans tous les petits détails. Dans cette première moitié, j'avais envie de lire en musique pour m'imaginer au mieux chaque scène. D'ailleurs, je me suis souvent fait la réflexion que j'aimerais entendre les mélodies finement décrites par Rawia Arroum !

Dylan est un héros qui a tendance à prendre la vie à la légère, comme elle vient, sans pression. Il a son petit caractère et se montre très opiniâtre par moment. Et puis son humour un poil corrosif... Délicieux ! Il passe souvent pour le pitre de service, même dans les situations dangereuses.

Hélas, le jeune homme est aussi la bête noire dans le troupeau de moutons blancs. Sa mélo-âme ne se manifeste pas, il n'a pas le don unique de ses semblables. C'est un secret qu'il s'évertue à dissimuler depuis dix-neuf ans. J'ai quand même retenu mon souffle lorsque son entourage s'approchait trop près de ses cachotteries. Je m'inquiétais pour lui. Heureusement, ce héros sait mentir comme un arracheur de dents. Il n'hésite pas à faire preuve d'insouciance pour étouffer les problèmes. À plusieurs reprises, j'avais envie d'entrer dans le livre et lui souffler de faire attention, de ne pas trop tenter le Diable. Peu à peu, j'ai commencé à ressentir un certain malaise. C'est comme si Dylan me rendait moi, lectrice, complice de son secret. Et lorsque son père se rapprochait trop de la vérité, je sentais la nervosité monter, signe que j'étais vraiment prise dans cette spirale infernale.

Comme il le dit si bien, Dylan aime sortir des sentiers battus et ne fait rien comme les autres. Il ne porte pas les dreadlocks traditionnelles, ne s'intéresse pas à la guerre... Non, il préfère passer le plus clair de son temps avec Kana, sa fiancée qu'il chérit plus que sa guitare. Dylan a une forte personnalité, même si aux yeux de sa famille, il ne démontre aucune particularité.

La deuxième partie, maintenant. Force est d'avouer qu'une fois arrivé à la moitié du roman, mon intérêt s'est émoussé. On évolue dans une ambiance si nébuleuse qu'il est difficile de distinguer le vrai du faux, le rêve de la réalité. Les choses changent à toute allure et on en vient à douter de tout et de tout le monde. Dylan est balloté comme une poupée tout le long, tombe sans arrêt dans les pommes et s'urine dessus...

Vers la fin, je n'y comprenais plus rien, j'avais perdu tous mes repères. Je pense que c'est un effet voulu, destiné à nous faire brusquement reprendre pied avec les explications finales, seulement j'ai eu cette sensation d'avancer sur des sables mouvants. J'aime quand je maîtrise une partie de l'histoire, où j'ai la possibilité de remonter grâce à des pistes, et là… il n'y avait aucune prise, ça me semblait fouilli.

Les étrangetés qui se passent sous les yeux de Dylan prennent énormément d'ampleur. Il se passe une multitude de choses dans un laps de temps très court. le mystère nous entoure en permanence, nous laissant dans un flou opaque jusqu'à la toute fin. C'est, je pense, un pari très risqué de la part de Rawia Arroum, qui peut plaire comme déplaire. Personnellement, je n'ai pas été captivée, même si les explications ont apporté la lumière sur les événements, ce que j'attendais avec impatience. L'intrigue reste tout de même innovante et bien trouvée.

La plume de Rawia Arroum ne manque pas de poésie. Je savourais particulièrement les moments où elle parlait des instruments et de la magie provoquée par la musique. Ce que je regrette, en revanche, c'est qu'à certains moments, le discours de Dylan tranche complètement avec cette douceur et cette élégance. Il peut se montrer à la limite de la vulgarité, presque ordurier, et ça ne se marie pas très bien avec le reste. Quand on se retrouve avec des descriptions splendides et que subitement le verbe "dégueuler" apparaît sauvagement, ça fait un peu grimacer.

À ce propos, il y a quelques jours, Marie Pavlenko (l'auteur du très bon Marjane, notamment) a publié un extrait d'interview que j'ai trouvé tout indiqué :

"[…] dans une page bien écrite, tous les mots devraient avoir la même allure. Si vous écrivez un mot grossier, ou un mot extraordinaire ou archaïque, alors la règle est brisée ; et ce qui est bien plus important, l'attention du lecteur est distraite par le mot. Il faudrait être capable de lire sans accroc même s'il s'agit de métaphysique, de philosophie ou autres."

Sans nul doute, ce sera mon seul reproche sur la plume de Rawia Arroum, car j'y ai quand même retrouvé ce que j'aimais dans Boys Out !

En résumé, le voleur de coeur est une lecture sympathique, poétique et pleine de richesses. La première partie m'a littéralement transportée dans ce monde simple où la musique régit le monde, mais la deuxième m'a parue brouillonne, je n'ai pas été convaincue comme je l'espérais. Néanmoins, la phrase que je retiens de cette histoire, la plus criante de vérité : « il est des passés douloureux qui engendrent des futurs désastreux ».

Lien : http://april-the-seven.weebl..
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