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Critique de Dionysos89


Les éditions du Passager clandestin ravivent, avec leur collection Dyschroniques, des nouvelles de science-fiction d'auteurs devenus classiques pour éclairer les enjeux politiques d'aujourd'hui. Il en est ainsi de la nouvelle « A voté » (« Franchise » en anglais) d'Isaac Asimov, qui date de 1955.

Plongée en post-démocratie
Fin du XXe siècle, les États-Unis d'Amérique ont cessé cet archaïsme que sont les élections où tout citoyen a la possibilité de glisser un bulletin dans l'urne, c'est désormais le superordinateur Multivac qui est chargé de désigner celui ou celle qui représentera l'électorat tout entier à la prochaine présidentielle. Dans la famille de Norman Muller, on s'inquiète : lui n'est pas très concerné, mais sa fille Linda veut en savoir toujours plus sur ce que sont ces élections, sa femme Linda s'inquiète de leur situation économique et son beau-père Matthew se la joue philosophe mais a bien du mal à apprécier ce nouveau système électoral. Au milieu de tous ces avis divergents, Norman est bien démuni pour réagir convenablement quand l'impensable arrive : des agents semblant tout droit sortis du FBI rôdent dans sa ville laissant penser que l'unique électeur choisi par Multivac pourrait être un concitoyen tout proche de chez lui.

Concept simple, intrigue simple
Ce qu'il y a de bon dans une nouvelle de science-fiction, c'est que c'est toujours l'occasion de saisir un postulat scientifique et de le pousser le plus loin possible en quelques pages. C'est d'autant plus le cas avec des auteurs devenus classiques comme Isaac Asimov, car au moment d'écrire telle ou telle idée, elle semble neuve. Dans cette anticipation politique, là où Isaac Asimov est intéressant, c'est qu'il ne choisit pas de laisser reposer tout le vote sur un superordinateur, mais il utilise celui-ci pour faire reposer le vote sur une seule personne ; l'aspect humain reste prépondérant. Mais en cela, il renforce la personnification que nous connaissons déjà par les campagnes électorales centrées sur les querelles d'ego. Les idées passent à la trappe, car ce n'est plus ce qui est mis en avant ou vanté par ceux qui mettent en forme l'information : ici, Multivac pose des questions sur tout, mais cela ne se traduit jamais par une pensée politique éventuellement opposable à une autre. D'ailleurs, Isaac Asimov en profite pour faire quelques simplifications dans le système électoral : on sent bien qu'il parle des élections américaines du XXe siècle (le traditionnel mois de novembre), mais plusieurs détails font tiquer comme celui de considérer que « Quand les élections étaient terminées, on comptait le nombre de gens qui voulaient le démocrate et le nombre de gens qui voulaient le républicain. Celui des deux qui avait le plus de voix était élu. », affirmation fausse du fait du système des « grands électeurs » aux États-Unis (preuve en fut l'élection de Donald Trump en 2016), mais peut-être est-ce délibéré de mettre cette affirmation dans la bouche d'un des personnages. C'est d'ailleurs savoureux quand on découvre l'année choisie par l'auteur pour placer son intrigue. Mais, somme toute, c'est sûrement là le but d'Isaac Asimov : mettre en place un concept simple par une intrigue simple afin de montrer que la simplicité ne résout rien ; au contraire, ici, elle obscurcit tout.

A voté est un texte intéressant où Isaac Asimov se révèle assez pragmatique, plus proche du cycle des Robots que du cycle de Fondation, sûrement, tout en assurant un minimum de réflexion sur ce qu'est une démocratie : à partir du moment où les intermédiaires se multiplient, le pouvoir est-il toujours entre les mains des citoyens ?

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