La main d'Iman

Un très beau roman que j'ai découvert après avoir regardé une interview de l'auteur Ryad Assani-Razaki au festival des étonnants voyageurs de Saint-Malo.

La main d'Iman nous plonge dans le quotidien de Toumani, Hadja, Zeinab, Désiré et Alissa, tous unis par leur relation particulière au jeune Iman qui préfère "mourir là-bas plutôt que de ne pas vivre ici". On y découvre la triste tendance à vendre son enfant comme esclave pour s'assurer une rente, les exactions commises par les milices au service des coups d'Etat, mais aussi la condition de la femme que toute tentative pour recouvrer sa liberté asservit toujours plus, à l'image de Zainab qui subit les remontrances de sa mère et de sa tante.

Mais ce qui frappe peut-être le plus dans cette narration qui met tous ses personnages à vif, c'est leur acceptation totale de leur situation, qu'ils n'ont plus la force de remettre en question, et leur aveuglement et leur incapacité à agir lorsqu'il s'agit de saisir un bonheur fugace pourtant à portée de main. Exception faite d'Iman, le métis dont le magnétisme se ressent même par le lecteur, et qui, après sa rencontre avec Anna, n'a qu'un rêve : rejoindre l'Europe pour s'extraire d'un quotidien insupportable.

Je ne m'attendais pas à autant d'intensité et de violence à la lecture de la main d'Iman, ni à ce qu'il m'émeuve autant. le roman n'est pas dénué de défauts et de quelques ruptures dans son rythme, mais je lirai néanmoins avec curiosité les autres ouvrages de son auteur.

C'est un roman violent et touchant.

Violent, parce que l'Afrique Noire n'est pas en mesure de proposer une vie convenable à sa jeune génération.
Touchant, parce que les protagonistes sont des enfants desservis par le poids des coutumes et traditions des adultes, et cabossés dans leur propre existence.

Iman est un métis, oublié au pays par son père français et rejeté par sa mère, elle-même élevée par sa grand-mère. Par tous les moyens, il essaiera de fuir et s'exiler pour un monde meilleur.
Alissa et Toumani sont deux enfants vivant dans un bidonville ; ils ont été vendus par leurs parents. Même s'ils ont des difficultés à exprimer leurs sentiments, ils sont conscients que l'exil est dangereux et tentent de retenir leur ami.
Trois vies brisées, racontées avec talent et émotion.

Un premier roman percutant et bien écrit.

Ryad Assani-Razaki est né à Cotonou, au Bénin, en 1981. Avant d'arriver au Canada il obtient une maîtrise en informatique. D'abord édité au Québec et lauréat du prix Robert Cliche en 2011, La Main d'Iman, premier roman est paru en France en 2012.

Tous les titres de chapitre sont constitués d'un seul mot qui clôt également chaque chapitre; ils commencent par la lettre I, pour Iman, et se terminent par une lettre formant l'acronyme d'Immigration ce dont on se rend compte à la fin, en consultant la table des matières qui clôt le roman.
Au rythme d'un narrateur par chapitre, le récit est une suite de monologues poétiques, tenus par: Toumani, Hadja, Zainab, Désiré, Alissa, sauf Iman le mystérieux Tour à tour chacun s'exprime, entre colère et révolte, peur et souffrance ; chacun libère ses émotions, crie son désespoir et chaque voix libérée entraîne le lecteur au coeur de leurs souffrances.
Toumani est vendu pour devenir domestique, comme Alissa, promise au même sort. Emmené par son nouveau propriétaire, il est battu à mort, mais sauvé par « La main d'Iman » qui le retrouve dans des égouts où il avait été abandonné.
Iman, est un métis abandonné par son père français et rejeté par sa mère béninoise. Sa mère, Zainab, est une jeune fille sans père, élevée par une grand'mère musulmane Hadja, dont le mari est mort piétiné lors d'un pèlerinage à La Mecque. Elle a un deuxième fils , Désiré.
Iman se cherche une voie qui l'exilerait du continent.
Partir pour fuir le bidonville de la ville. Son désir n'est pas partagé par Alissa et Toumani qui veulent l'empêcher de partir.

Ces trois personnages enfants sont au coeur de ce roman violent et touchant. Leur apprentissage de la vie se cogne au monde des adultes, qui ont, eux aussi, leurs souffrances, et sont, eux aussi, victimes des coutumes et des traditions. Les protagonistes souffrent surtout de ne pas savoir se parler, exprimer leur amour, leur chagrin, leur désir.
Le talent de Ryad se déploie dans le portrait de ses nombreux personnages.
L'auteur décrit le chemin qui conduit à l'exil. Chaque histoire brisée traduit avec émotion et violence cette Afrique noire qui affiche son impossibilité à proposer une société décente et humaine et qui justifie ce désir profond et nécessaire d'immigration, de fuite vers un ailleurs.
Un premier roman percutant, construit avec rigueur et précision, soutenu par une écriture poétique et limpide.

Une histoire certes dure mais des personnages tellement attachants. Les destins de ces enfants ne laissent pas indifférents et l'auteur sait décrire une facette de l'Afrique Noire qui n'est pas souvent relatée. Vraiment magnifique !