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Critique de ClajaB


Casablanca la blanche, en 1994. Sarah, française, a 16 ans et vit avec sa mère dans une maison délabrée sans eau courante, tout près du bidonville, dans le quartier de Hay Mohammadi. Une mère qui ne peut lui offrir qu'un canapé pour dormir et ne lui accorde que peu d'attention.
Elle n'a qu'une idée en tête, sortir de la misère avec la seule ressource qu'elle sait posséder: sa beauté.
« Tous les garçons la regardaient toujours, même les plus fâchés; même après ses pires mensonges, ils continuaient à la regarder. »
Sarah a appris à jouer de ses charmes et à manier les armes de la séduction et de l'amour pour lui permettre de manger à sa faim, de s'habiller comme les jeunes de son âge ou d'acquérir les petites choses qu'une adolescente convoite.
Du haut de ses 16 ans, elle est pleine de l'espoir et de la fougue de sa jeunesse. Elle rêve d'une autre vie et quand son petit ami du moment, en apercevant Driss dans un café, lui lâche que « ce mec, c'est le plus riche des plus riches, plus riche que nous tous. Peut-être aussi riche que le roi. », elle n'a plus qu'une idée en tête: le séduire et l'épouser.
Elle est pauvre, il est riche mais nous ne sommes pas dans un conte de fées. Sarah n'a rien d'une princesse endormie. Elle va trouver le moyen de le rencontrer. Peu importe qu'il soit laid (« il avait les jambes courtes et le ventre dodu (…) il sourit, et les petites dents de rongeur apparurent, écrasées sous l'épaisse gencive, et l'épaisse gencive pliait sous l'ombre du nez, qui était crochu et pointait vers le sol. Franchement laid, oui. »), son avenir, c'est Driss.
Quel roman époustouflant et superbement écrit! À en juger par la qualité de ce premier roman, Abigail Assor est une voix qui va compter dans le paysage littéraire francophone.
La grâce, la précision et l'agilité de sa plume nous transportent dans les rues et ruelles de Casablanca ou sur le sable de ses plages bordant l'océan. Entourés de palmiers, d'hibiscus rouges, de petites échoppes, on en respire les odeurs, on est rafraîchi par son vent de janvier, on est ébloui par son soleil, on y boit des smoothies improbables et les fourmis qui les accompagnent…
On y croise Yaya, Alain , Chirine, Badr, Abdellah, Moustache, le viouzabi, personnages secondaires tout autant inoubliables que Sarah et Driss.
On suit Sarah… qui suit Driss, tous deux aussi mystérieux qu'attachants, leur relation, à mille lieux des clichés et des stéréotypes, une relation confrontée à la réalité de la hiérarchie des classes dans une société sclérosée patriarcale, sexiste et gouvernée par l'argent.
Que ce soit dans les quartiers pauvres ou derrière les façades des maisons luxueuses, la vie et les moeurs sont régies par des traditions patriarcales immuables.
Aux côtés de Sarah, nous découvrons la dureté, la rudesse, la violence et l'hypocrisie d'un monde gouverné par ces traditions figées, un monde de privilèges où les seuls véritables privilégiés sont les hommes riches. Ce qui ne leur garantit pas pour autant la liberté.
Un roman magnifique, poignant, profond, empreint de gravité mais éclairé par un personnage féminin solaire qui irradie de sa lumière les rues de Casablanca et les pages de ce livre.
Un roman incontournable de cette rentrée littéraire!
(J'adore les métaphores filées dans un roman et il en comporte une que j'ai trouvé sublime!)
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