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Critique de lalahat


Double vie, le titre est bien choisi. Pourtant, en cours de lecture, il m'est revenu à l'esprit un autre titre, celui d'un roman d'un genre complètement différent, mais que j'apprécie autant, de Jean-Bernard Pouy, L'homme à l'oreille croquée. L'auteur aurait pu s'en inspirer, ça n'aurait peut être pas été approuvé par l'éditeur.

Pierre Assouline imagine la vie compliquée de Remi Laredo, 40 ans, enseignant et chercheur en art et paléontologie. Il est marié à Marie, Maitre Rabaut-Pelletier, brillante avocate, issue d'une famille aristocratique tourangelle. Ils ont deux enfants, Paul et Virginie, 9 et 10 ans. C'est Marie qui a choisi les prénoms. D'ailleurs c'est elle qui gère les affaires du couple. Pierre Assouline a insufflé une bonne dose d'humour dans son texte, parfois léger, souvent cynique et cruel.

Le roman s'ouvre sur une scène érotico pornographique, dans une automobile, au 3ème étage en sous sol d'un parking. Elle peut déranger – on n'a pas forcément envie de voyeurisme - mais ce ballet sensuel et animal a ses raisons d'être. On le comprend par la suite. Remi entretient une liaison, qui n'est pas sans danger, avec Victoria. le parking accueille et dissimule leurs ébats.

La dissimulation occupe une place centrale dans Double vie. Remi et Victoria sont champions en la matière. le péril au quel ils s'exposent ajoute du piquant à leur relation clandestine. L'activité professionnelle de Remi est aussi présentée comme une sorte de dissimulation et de fuite du milieu bourgeois dans lequel il vit. Enfin, la dissimulation est au coeur du fonctionnement social que l'auteur dissèque. La bourgeoisie parisienne qu'il décrit s'adonne à une comédie humaine parfaitement huilée.

Remi Laredo, dans ce contexte, souffre de stress. Il se manifeste par des sortes d'hallucinations sonores. Ses acouphènes prennent la forme d'une sonate pour piano qui l'assaille dans les moments les plus inopportuns.

Dès la page 66 – le livre en compte 212 -, le drame est annoncé. le couple de Remi et Marie court à sa perte. Ils appartiennent à des mondes beaucoup trop différents. le naufrage sera pour la fin, avec un rebondissement en toute dernière page. Pierre Assouline use du suspense de façon magistrale.

A aucun moment le lecteur ne doit craindre l'ennui. Pierre Assouline possède une écriture très riche. Elle compte de nombreux aphorismes, mais aborde des thèmes intemporels comme le jeu social, l'ambition, l'exploitation de crises par une classe sans scrupule lorsqu'il s'agit de s'enrichir, la maîtrise de sa vie, la préservation du patrimoine culturel, et surtout de la vie privée.

Sa prose se transforme en persiflage digne de Molière, dans le passage du repas chez les Forceville. Pierre Assouline se livre à une série de portraits qui n'épargne aucun des invités. Il commence par la voisine de table de Remi, un phénomène – j'ai lu malgré moi Célimène! Il y a ensuite l'Aristocrate, le Bronzé, particulièrement agressif, l'Intellectuelle, le Chasseur, la Divorcée, et quelques autres. L'Homosexuel, un brin plus intelligent, désamorce une première montée de tension dans les échanges. le repas finira mal malgré tout, Remi ne pourra cacher sa révolte face aux propos tenus.

L'humour de Pierre Assouline abreuve son récit de bons mots, et les situations cocasses se multiplient. On s'amuse beaucoup. Les personnages restent crédibles. Les attaques sont pertinentes. L'écriture est dense. A plus de vingt ans de distance, on peut encore lire Double vie sans trop de décalage. On a affaire là à une littérature de haut vol.
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