AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 5Arabella


Paru en 1930, c'est le premier livre publié par l'auteur. le livre a été écrit à Paris, où Miguel Angel Asturias suivait des cours d'anthropologie et où il a aidé son professeur, Georges Raynaud, à traduire le Popol-Vuh, un texte en langue quiché évoquant la religion maya. Mais la dédicace du livre évoque aussi les histoires qui lui racontait sa mère. Il ne faudrait toutefois pas s'attendre à un livre présentant une collecte de récits au plus près de la mémoire indienne, ni un ouvrage anthropologique. Même si l'auteur connaît ces histoires de l'intérieur, et qu'il maîtrise la démarche scientifique, Légendes du Guatemala, est avant tout l'oeuvre d'un écrivain, ambitieux et personnel, dont l'écriture poétique et très travaillée donne une résonance très particulière à l'ouvrage. Les légendes qu'il évoque lui donnent la possibilité de se réapproprier sa culture, mais aussi de l'interroger, et en filigrane de se positionner dans le présent, ce qu'il fera d'une manière plus explicite dans certains de ses ouvrages suivants.

La structure du livre est complexe. Lors de la première parution, le livre se composait d'une sorte d'introduction, intitulée Guatemala, dont la première partie évoque en particulier les villes du pays, leurs fondations, mi-mythiques mi-réelles, puis une deuxième partie, « Maintenant je me souviens » qui est centrée sur les conteurs, un vieux couple mais aussi le narrateur et qui lance en quelque sorte l'acte de conter. Puis suivent cinq récits intitulés Légendes. A ces textes se sont ajoutés dans les éditions postérieures, deux autres textes, plus longs. « Les sorciers de l'orage du printemps » peut être rattaché aux Légendes précédentes, avec sans doute plus d'ampleur, c'est à mon avis le texte le plus ambitieux du cycle, mais le dernier texte, "Cuculcan" se présente sous la forme d'une pièce de théâtre, même si contenu est aussi légendaire.

Il ne faut pas que le lecteur s'attende à ce qu'il a l'habitude de lire en ouvrant un livre de contes et légendes. Il s'agit ici plus de poèmes en prose, qui traitent d'un contenu légendaire, mais réinvesti par l'auteur, et narré d'une manière qui n'est pas réellement explicite. Il s'agit plus de créer une ambiance, de suggérer, de broder, de créer de superbes images, que de raconter une histoire, avec un début, une fin, et un enchaînement logique des événements. La lecture de notes s'avère indispensable pour s'y retrouver à peu près. Miguel Angel Asturias brode en quelque sorte un tissu riche et coloré, où telle ou telle figure, telle ou telle image, évoque tel ou tel personnage légendaire, mythe, ou événement. Il faut noter que l'univers mythologique de l'auteur associe aussi bien les mythes indiens des sociétés précolombiennes, que les récits liés à l'arrivée des conquistadors. Il y a parmi les personnages des religieux catholiques par exemple. C'est une mémoire métissées, mélangée, que revendique l'auteur.

Autant prévenir d'emblée le lecteur curieux qui voudrait tenter l'aventure de ce livre : cela demande un certain effort. Il faut aimer les textes poétiques, et ne pas s'attendre à des récits structurés, et la multiplicité de références à la culture, à l'histoire et à la mythologie du Guatemala font que beaucoup de choses échappent à un lecteur qui ne connaît pas parfaitement toutes ces questions. Pour ma part, j'avoue une certaine difficulté à entrer dans l'univers du réalisme magique, dont Asturias est considéré comme l'un de ses précurseurs ou créateurs, tout particulièrement dans ce livre. Il aurait aussi subi une influence des surréalistes, lors de son séjour parisien, et là aussi ce n'est pas le courant littéraire qui me passionne le plus. Je suis restée un peu sur le bord du chemin pendant une partie du livre, même si j'ai trouvé certains passages splendides. Il faudrait sans doute lire ce type de livre à haute voix, pour trouver le rythme, la scansion, le souffle qui habite le texte. Plus qu'un écrivain au sens classique du terme, Asturias se pose en barde halluciné, qui chante des récits immémoriaux, pour un public qui les connaît déjà, et pour qui une image, une métaphore, un nom, vont être source de réminiscences, d'associations, vont libérer un imaginaire préexistant tout en provoquant une surprise par une manière inhabituelle ou différente de présenter les choses. C'est incontestablement puissant, original, mais difficile à pénétrer.
Commenter  J’apprécie          188



Ont apprécié cette critique (17)voir plus




{* *}