Citations sur Le Cantique des Oiseaux (9)
Si tu ouvrais enfin les yeux de l’invisible
Les atomes de l’univers te diraient leurs secrets
Mais si l’oeil que tu ouvres est l’oeil de la raison
Tu ne pourras jamais voir l’amour tel qu’il est
Seule une âme éprouvée peut éprouver l’amour
Seul qui s’est libéré peut entrer dans l’amour
Toi qui n’est pas amant, qui n’as rien éprouvé
Tu n’es qu’une âme morte, indigne de l’amour !
Dans ce chemin il faut un coeur mille fois vivant
Qui puisse à chaque instant faire don de cent vies !
La vallée de l’Amour - Distique 3375
Le langage poétique atteint le cœur de celui qui sait l'écouter.
Leili ANVAR, traductrice de l'oeuvre
"J'ai survolé longtemps les plaines et les mers
J'avançais pas à pas, la tête dans les cieux
J'ai franchi les montagnes, les vallées, les déserts
J'ai parcouru un monde dans le temps du déluge" (Distiques 705 et 706)
Il faut, pour aborder Le Cantique des oiseaux, oublier ses repères. Accepter le voyage. Se lancer dans l'inconnu. Se perdre. Se brûler. S'anéantir. Prendre son envol, l'envol de l'âme, vers des contrées inconnues. Avec humilité...Humilité face à une langue nouvelle dont les métaphores sont souvent teintées de larmes et de sang, humilité au coeur d'un texte où poésie et mystique sont intimement mêlées.
Et si le Cantique des cantiques dit de Salomon, Le Cantique des créatures de saint François d'Assise et le Cantique des oiseaux relevaient d'une même inspiration divine? Le Cantique d'Attâr réunit à lui seul les trois traditions monothéistes dans la Beauté suprême et la lumière éclatante de l'Un. Je vous invite à entrer dans l'harmonie de ce chant sacré.(Diane de Selliers)
Khezr et le fou
Il y avait un fou excellent en sagesse
À qui Kherz dit un jour : "Ô toi, homme parfait
Pourrais-tu devenir mon compagnon intime ?"
"Cela est impossible , lui répondit le fou
Tu as buà longs traits l'eau d'immortalité
Afin de pouvoir vivre pour l'éternité
Or moi, sans relâche, je cherche à quitter la vie
Car sans l'Âme de l'Âme, non, je ne saurais vivre !
Toi, tu as décidé de protéger tes jours
Et moi, j'ai décidé de les perdre pour toujours
Ainsi, il vaut bien mieux, comme la cage et l'oiseau
Que nous restions très loin l'un de l'autre.
Adieu, donc !",
Ainsi il vaut mieux
La fleur aux cent pétales retient ici mon cœur
Comment y renoncer et vivre en dénuement ?
Quand elle s’épanouit tout en beauté vermeille
Quand pour moi et moi seul ainsi elle sourit
Et lorsque sous son voile, elle se prépare encore
Pour m’apparaître enfin dans l’éclat d’un sourire
Comment moi, rossignol, pourrais-je, même une nuit
Renoncer à la rose, à ses lèvres écloses ?
Quand disparaît l'ego : anéantissement
Puis quand le néant même dépasse le néant
Ce qui advient alors : survivance éternelle
Si tu veux arriver à ce point du chemin
Il te faut arriver au néant et au rien
Annihile le soi, anéantis l'ego
Revêts-toi d'un manteau tissé dans le non-être
Et bois jusqu'à plus soif à la coupe du rien
Porte sur toi le voile de l'indignité
Et rabats sur ta tête la cape du non-être
Le pied à l'étrier de la dissolution
Monte sur la monture de l'insignifiance
Pars de rien, va vers rien et accomplis le rien
Ceins ta taille de rien et sens dessus dessous
D'une belle ceinture tressée de beau néant
Ferme bien les deux yeux et après ouvre-les
Pour les enduire alors du kohl noir du néant
Perds-toi et, plus encore, perds que tu t'es perdu
Et puis de cela même ne garde aucune trace
Avance ainsi, toujours, dans un pur abandon
Pour atteindre à la fin au monde où tout se perd
Mais s'il reste dans toi une trace d'ici-bas
Tu ne trouveras pas trace de l'autre monde.
« Or, ils virent un jour, tout en haut d’un balcon
Une jeune fille assise. C’était une chrétienne
Un être à l’âme pure, avancée dans la gnose
Et dans la connaissance de la voie du Christ
Au ciel de la beauté, elle était un soleil
Mais un soleil de gloire qui n’a pas de couchant
Jaloux de son reflet l’astre du jour était
Plus jaune que les amants languissant dans sa rue.
Quiconque avait le cœur accroché à ses boucles
Ceignait dans son désir la ceinture des chrétiens
Quiconque pesait son âme au rubis de ses lèvres
Perdait la tête avant de faire un passionnante
Ses cheveux embaumaient la brise du matin
Et plongeaient tout Byzance dans un frisson de musc
Ses yeux jetaient le trouble en plein cœur des amants
Sous les deux arcs parfaits formés par ses sourcils
Un seul de ses regards décoché aux amants
Leur faisait oublier et leur âme et leur vie
Arches sur son visage aussi beau que la Lune
Ses sourcils attiraient tous les regards épris
Et quand elle accordait un regard de douceur
Elle prenait au filet centaines d’amoureux
Sous ses boucles de jais, son visage éclatant
Était d’une braise, d’ardeur débordante
Le rubis de ses lèvres assoiffait ses amants
ses yeux, narcisses ivres, offraient mille poignards
Tous ceux qui, assoiffés, aspiraient à sa source
Avaient le cœur percé par des fils acérés
De sa bouche aussi menue que le chas d’une aiguille
Ainsi ceux qui disaient qu’ils en savaient quoi dire
Ne savaient pas, les ignorants, ce qu’ils disaient !
Sa taille était très fine, ceinte comme un cheveu
Elle avait au menton une fossette argentée
Semblables aux mots du Christ, ses mots soufflaient la vie.»
(p. 120 et 121 trad Leili Anvar)
Si humains et démons s’évaporaient soudain
Ce serait une goutte retirée à la pluie
Si tous les corps vivants redevenaient poussière
Ce serait comme un poil en moins dans un pelage.