Un conte splendide et apaisant, une superbe et longue métaphore gorgée de poésie, et qui inlassablement voudrait décrire les affres des êtres sur le chemin de Dieu et de l'Amour, ainsi que sur le nécessaire dépassement des passions. En ces temps obscurcis par un dogmatisme religieux mortifère et par la fermeture face à l'Autre, c'est un livre sain. Je pense que c'est aussi un bel exemple de "Jihad", au sens d'effort intérieur et authentique, et non pas dans le sens tristement galvaudé et politique que le terme a pris au fil des dernières décennies. A lire pour tous ceux qui sont désireux d'ouvrir les yeux sur des aspects trop souvent ignorés de la spiritualité islamique.
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La sagesse dervich nous parvient ici. La beauté des textes, tels des tapis, sont magnifiquement illustrés en faisant un ouvrage beau au coeur et aux yeux.
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Poète mystique du XIIème siècle, Farid-ud-Din 'Attâr raconte la quête divine d'un groupe d'oiseaux conduit par une huppe. Ils empreinte le chemin du doute, de la foi et découvre la croyance en un Dieu miséricordieux. C'est un conte magnifique. S'engager dans une voie quelle qu'elle soit est un voyage initiatique. Nous ne sommes jamais seuls.
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Au départ apparut une goutte d'eau, qui dessina les plus belles formes ; mais celles-ci étaient toutes éphémères. Aussi dure ou complexe que soit la matière, sache bien qu'elle a l'eau pour principe. Mais tout ce qui a l'eau pour fondement n'a pas plus de réalité qu'un songe, qu'un mirage. Personne n'a jamais considéré l'eau comme un élément stable. Comment une construction sur l'eau pourrait-elle être indéfiniment solide?
Un renard épousa un jour, une renarde. Ils vécurent quelques saisons en amoureux insouciants, partagèrent le même lit, les mêmes repas de poulardes, les mêmes rêves d'avenir, jusqu'au jour où s'en vint dans leurs fourrés secrets un roi chassant à son de trompe avec ses faucons et ses chiens. Les époux furent pris et réduits en lambeaux. A l'instant de mourir:
- Mon mari, gémit la renarde, nous retrouverons nous un jour?
- Probablement, dit le renard. Dans la boutique d'un fourreur.
Qui éprouve de la peine sur le chemin de l'élévation doit se rappeler qu'elle renferme un trésor pour lui. Quand on marche d'un pied ferme sur ce chemin, les dons du ciel ne sont pas sans nous demander quelques sacrifices.
Il était une fois une fille de roi belle comme la lune. Sa beauté à peine entrevue ruinait les sens et la raison. Mille amants égarés mendiaient à ses pieds un éclat de ses yeux qui voilait ses longs cils. Son visage? Une aurore blanche. Ses cheveux? Une nuit de musc. Ses lèvres? Éblouissantes, rouge à faire pâlir le rubis, à faire honte au goût du miel.
(P47)
Sachez-le, rien n'importe plus que les désirs qu'Il nous inspire. À quoi bon l'âme dans nos corps sans un être à nourrir d'amour ? Es-tu prêt à partir sans remords, sans regret, la face offerte au vent ? Es-tu vraiment celui qu'aucun danger n'effraie ? Oublie-toi donc et va. Abandonne aux buissons ta vieille peau sans âme. Sois brave. Fais cela. Le Bien-Aimé t'attend pour te vêtir de Vie à tout instant nouvelle.
Lors de l'émission “Cultures d'Islam”, diffusée sur France Culture le 24 janvier 2014, Abdelwahab Meddeb s'entretenait avec Leili Anvar autour de sa nouvelle traduction du “Cantique des Oiseaux” du poète mystique persan Farîd od-dîn ‘Attâr. Réalisation : Rafik Zénine. Avant d’arriver à l’Absolu, demeure du Sîmorgh, des milliers d’oiseaux traversent sept vallées : celles du désir, de l’amour, de la connaissance, de la plénitude, de l’unicité, de la perplexité, du dénuement, de l’anéantissement. Presque tous meurent ou abandonnent en chemin. Seuls trente arrivent au but : sî morgh, « trente oiseaux ». A travers ce jeu de mots (sî morgh, Sîmorgh), ‘Attâr nous signifie que les sept vallées ne sont que les étapes d’un cheminement intérieur. Au bout, les âmes ne pouvaient que se voir elles-mêmes. Même à ce stade ultime, les oiseaux restent noyés en eux-mêmes.
« Vous avez cherché l’Autre en cheminant longtemps / Vous ne voyez pourtant que vous, rien que vous ! » (distique 4277).
C’est que l’objet de la quête n’est pas en dehors de vous, il est en vous. Simorgh demeure invisible pour les yeux, indicible par la parole, inaudible à l’ouïe. Il ne vous reste qu’à plonger dans le feu de sa Présence et disparaître. De cet état, personne n’est revenu.
Comment en faire alors le récit ? s’interroge ‘Attâr (circa1158-1221), l’immense poète de Nishapur dont le “Mantiq at-Tayr” nous est donné ici en vers en conservant le paradoxe qui habite l’original : Comment dire l’indicible ? Comment figurer l’invisible ? Comment penser l’impensable ?
La tâche du traducteur est de rendre l’œuvre dans son ambivalence entre l’opacité et la transparence, où se déploie sa densité.
Farîd od-dîn ‘Attâr, “Le Cantique des Oiseaux” : traduction Leili Anvar, choix d’illustrations de peintures islamiques d’Orient analysées et commentées par Michael Barry. (éd. Diane de Selliers)
Invitée :
Leili Anvar, de l'INALCO
“Cultures d’Islam” participe à la levée d’une méconnaissance pour que les références islamiques circulent dans le sens commun et, d’une façon plus ouverte, moderne et polyphonique, approche l’Islam en tant que phénomène de civilisation.
Abdelwahab Meddeb, le producteur de “Cultures d'Islam”, s'est éteint dans la nuit du 5 au 6 novembre 2014. Abdelwahab Meddeb était romancier, essayiste, scénariste, traducteur et poète, et il était devenu au fil des années l'une des voix marquantes de France Culture.
Thèmes : Idées| Civilisation| Peinture| Poésie| Islam
Source : France Culture
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