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Critique de Dandine


EL LABERINTO MAGICO, tomo 4: CAMPO FRANCES


Campo frances (Champ francais), le quatrieme volume du Labyrinthe magique de Max Aub, est tres different de ses predecesseurs. Il est tres court, et pour cause! Ce n'est pas un roman mais un scenario de film (ou une ebauche de piece de theatre, ou quelque chose entre les deux). Dans sa preface, Aub explique ce choix (ca aussi c'est nouveau. Dans les precedents livres de la serie il n'avait senti aucun besoin d'expliquer quoi que ce soit): il est grand temps de melanger histoires a lire et histoires a voir; litterature et cinema peuvent creer un nouveau genre, et cela peut etre benefique des deux cotes.

Aub s'etait deja essaye au cinema. En 1938 il avait collabore avec Andre Malraux pour le scenario de "La Sierra de Teruel", l'adaptation cinematographique de "L'espoir". Mais Campo frances est autre chose: c'est d'apres lui un roman/scenario, pas un scenario tout court.

Ce volume est different aussi parce qu'il s'eloigne du territoire espagnol (comme son titre l'indique le cadre est francais) et de la guerre civile, qui est terminee. Aub etablit sa trame en deux emplacements, Paris et le camp de concentration du Vernet, en 1939-1940. A Paris nous avons droit aux exactions de la police francaise envers communistes, refugies espagnols, juifs, etrangers apatrides, avant et pendant la guerre. Cette image de la France est incomprehensible pour lui et atroce pour ses lecteurs. Image qui empire evidemment quand il passe a decrire l'internement dans le camp. On sent la douleur de l'auteur: ou sont passees les idees de liberte, de fraternite, que tant de gens a travers le monde admiraient? La France s'est trahie. Et cette trahison a commence avant la defaite. Les pouvoirs francais ont agi en 39-40 comme s'ils prefiguraient l'occupation allemande. Et Aub, meurtri au plus profond de sa conscience, ne peut pardonner. Il accuse. Il dira plus tard: "Je crois que je n'ai pas le droit, pas encore, de taire ce que j'ai vu, pour ecrire ce que j'imagine". Et qu'est-ce qu'il imagine? Qu'un homme sans implications politiques est arrête par erreur, parce qu'il a ete confondu avec un autre. On ne l'ecoute pas, et sans jugement ni accusation formelle il est transfere de prisons en camps d'internement inhumains.

C'est comme si Aub rendait compte ici que la barbarie qu'il avait commence a decrire dans les precedents tomes n'habitait pas que le sol espagnol, mais toute l'Europe, d'autres facons, non moins atroces, peut-etre plus abominables.

Ce volume n'est pas facile a lire (ce n'est pas un roman) et dur a avaler. Je pourrais le conseiller en tant que temoignage romance. Mais pour tout dire j'ai prefere le temoignage qu'il a donne dans Manuscrit corbeau, ou les armes de l'ironie et de l'humour noir rendent le texte beaucoup plus fort. A mon humble avis.
Campo frances m'a donc laisse des sensations mitigees. Ca ne m'empechera pas de m'attaquer aux prochains, bien au contraire. Je suis d'ores et deja arrive a la conclusion que le labyrinthe magique doit etre percu et juge dans son ensemble. Campo del moro (champ du maure) m'attend patiemment.


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