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Critique de 5Arabella


Même si l'essentiel de l'oeuvre semble avoir été écrit à la fin du XVIe siècle, la première édition des Tragiques date de 1616. Passé relativement inaperçu lors de la parution, quasi oublié pendant deux siècles, c'est les Romantiques, qui au XIXe siècle vont lui conférer son statut de grande oeuvre mythique, même si je le crains, relativement peu lue.

Il faut dire qu'il s'agit d'un (très) long poème, qui parle de guerres de religion, d'une manière à la fois brutale, mettant en évidence les atrocités commises par les catholiques, et allégorique, métaphorique. Des clés de lecture, historiques et bibliques, entre autres, sont indispensables pour essayer d'entrer dans l'ouvrage, d'une manière autre que superficielle. Cela a de quoi décourager les éventuels lecteurs.

Le livre est donc paru en 1616, bien après les événements qu'il évoque, et signé d'un simple sigle L.B.D.D. (« Le Bouc du Désert »), montrant l'éloignement de l'auteur du monde tel qu'il était devenu. Il ne tardera d'ailleurs pas de se réfugier à Genève, la vie en France devenant dangereuse pour le calviniste ardent et combattant qu'il était plus que jamais.

Les Tragiques se composent de sept livres, formant un ensemble ordonné et progressif. le premier, Misères évoque les souffrances du peuples, alors que le suivant Princes met en cause les Rois et princes en dénonçant leurs turpitudes, qui sont à l'origine des misères, avec l'iniquité des juges, au service des puissants, dénoncée dans le livre troisième, La chambre dorée. Les deux livres suivants Les feux et Les fers dénoncent les persécutions et les horreurs de la guerre perpétrées sur les protestants. Les deux derniers livres, Vengeances et Jugement annoncent le sort qui attend les persécuteurs et meurtriers, qui punis à la fois sur la terre, mais surtout au Ciel, définitivement condamné par Dieu, qui attend son heure.

Il ne s'agit toutefois pas d'un traité mais réellement de poésie, même si l'auteur joue sur différents registres. Il y a dans certaines partie un aspect de prophète biblique qui annonce la punition des mauvais princes et de leurs conseillers félons, il y a un côté satire, ironie cinglante pour stigmatiser les vices des puissants. Il y a un aspect théâtrale, il s'agit de montrer les horreurs sans surtout rien dissimuler, pour faire toucher du doigt ce qui s'est produit, en dramatisant au besoin. Ce qui a fait dire à certains que l'oeuvre relève plus du théâtre que de l'épopée. Il y a à mon sens un aspect pictural très prononcé, les descriptions donnent à voir, dans une forme d'excès très coloré. Tout cela fait que l'on a souvent attribué l'épithète de baroque à l'ouvrage. A mon sens, c'est plutôt militant, engagé, Agrippa d'Aubigné s'implique dans ce qu'il écrit avec ses tripes, plus qu'il ne produit d'images excessives pour des raisons esthétiques. Cela détonne un peu avec le dépouillement que l'on attribue souvent à la religion réformée, mais l'auteur est quelqu'un qui n'est pas forcément facile de faire entrer dans une case unique.

Tel quel, c'est un monument érigé à la gloire des victimes des atrocités des persécutions religieuses et des guerres civiles, et dans le contexte actuel, il garde malheureusement toute son actualité, dans la dénonciation des folies des hommes, et de tout ce qu'ils sont capables d'infliger à leurs semblables pour des raisons qui vues d'une certaine distance peuvent paraître parfaitement absurdes.
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