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Après un exposé du dessein de l'auteur, trois tableaux allégoriques se succèdent dans le premier livre (Misères), qui évoquent l'état désastreux de la France en proie aux guerres civiles. L'auteur fait comparaître les responsables de ces crimes : Catherine de Médicis et le cardinal de Lorraine. Dans le livre deux est dénoncée la tyrannie des rois dénaturés, stigmatisée la conduite scandaleuse de la reine et de ses trois fils Charles IX, Henri III et François d'Alençon. Dieu se rend sur terre et découvre le Palais de justice de Paris et ses monstres grotesques, dans le troisième livre (La Chambre Dorée) : Orgueil, Avarice, Haine, Trahison, puis l'horreur de l'Inquisition espagnole. Les deux livres suivants (Feux et Fers), énumèrent les martyrs de la « vraie foi » et la série des massacres perpétrés par les catholiques. le livret six (Vengeances) procède au recensement des interventions de Dieu dans l'histoire humaine, de la malédiction de Caïn aux temps les plus récents. le livre huit (Jugement) constitue le dénouement de la lutte entre justes et réprouvés. Après une démonstration de la résurrection des corps, sont évoquées la séparation des élus et des damnés et l'instauration du règne de Dieu.

Les nombreuses allégories marquent sans doute l'influence des mystères et des moralités. le recueil est très marqué par la foi protestante, surtout par des thèmes comme l'apocalypse, la prédestination le jugement dernier. Agrippa d'Aubigné fait sans cesse appel à l'affect et cherche constamment à émouvoir avant tout. le livre semble très transversal : il s'agit de poésie mais on peut noter également le caractère épique de l'entreprise parfois presque hugolienne. Enfin, il y a, comme le titre l'indique, le côté tragique : la grande tragédie du siècle, mais aussi autobiographique, car l'auteur s'implique souvent. À noter également omniprésence de la barbarie : tout n'est que spectacle grandiose de morts, de feux et de fers, ce qui peut rappeler bien des représentations artistiques.

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"Les Tragiques" d'Agrippa d'Aubigné est un vaste poème composé de sept livres dont le dernier raconte le jugement dernier. le style est celui de la littérature baroque, dense, foisonnant et complexe. Les références bibliques côtoient les auteurs anciens en une culture qui n'était pas encore classique. Mais Agrippa d'Aubigné, avant d'être un homme de lettre, fut d'abord un homme de guerre intransigeant qui défendit la cause des protestants. Dans "Les tragiques" il narre les horreurs d'une guerre civile qui déchira la France, de même qu'il s'attaque non sans véhémence à ses ennemis catholiques. La lecture de ce poème n'est certes pas toujours aisée. Celui-ci surprend cependant par sa force et son ampleur, son style imagé aussi sombre que lumineux.
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Même si l'essentiel de l'oeuvre semble avoir été écrit à la fin du XVIe siècle, la première édition des Tragiques date de 1616. Passé relativement inaperçu lors de la parution, quasi oublié pendant deux siècles, c'est les Romantiques, qui au XIXe siècle vont lui conférer son statut de grande oeuvre mythique, même si je le crains, relativement peu lue.

Il faut dire qu'il s'agit d'un (très) long poème, qui parle de guerres de religion, d'une manière à la fois brutale, mettant en évidence les atrocités commises par les catholiques, et allégorique, métaphorique. Des clés de lecture, historiques et bibliques, entre autres, sont indispensables pour essayer d'entrer dans l'ouvrage, d'une manière autre que superficielle. Cela a de quoi décourager les éventuels lecteurs.

Le livre est donc paru en 1616, bien après les événements qu'il évoque, et signé d'un simple sigle L.B.D.D. (« Le Bouc du Désert »), montrant l'éloignement de l'auteur du monde tel qu'il était devenu. Il ne tardera d'ailleurs pas de se réfugier à Genève, la vie en France devenant dangereuse pour le calviniste ardent et combattant qu'il était plus que jamais.

Les Tragiques se composent de sept livres, formant un ensemble ordonné et progressif. le premier, Misères évoque les souffrances du peuples, alors que le suivant Princes met en cause les Rois et princes en dénonçant leurs turpitudes, qui sont à l'origine des misères, avec l'iniquité des juges, au service des puissants, dénoncée dans le livre troisième, La chambre dorée. Les deux livres suivants Les feux et Les fers dénoncent les persécutions et les horreurs de la guerre perpétrées sur les protestants. Les deux derniers livres, Vengeances et Jugement annoncent le sort qui attend les persécuteurs et meurtriers, qui punis à la fois sur la terre, mais surtout au Ciel, définitivement condamné par Dieu, qui attend son heure.

Il ne s'agit toutefois pas d'un traité mais réellement de poésie, même si l'auteur joue sur différents registres. Il y a dans certaines partie un aspect de prophète biblique qui annonce la punition des mauvais princes et de leurs conseillers félons, il y a un côté satire, ironie cinglante pour stigmatiser les vices des puissants. Il y a un aspect théâtrale, il s'agit de montrer les horreurs sans surtout rien dissimuler, pour faire toucher du doigt ce qui s'est produit, en dramatisant au besoin. Ce qui a fait dire à certains que l'oeuvre relève plus du théâtre que de l'épopée. Il y a à mon sens un aspect pictural très prononcé, les descriptions donnent à voir, dans une forme d'excès très coloré. Tout cela fait que l'on a souvent attribué l'épithète de baroque à l'ouvrage. A mon sens, c'est plutôt militant, engagé, Agrippa d'Aubigné s'implique dans ce qu'il écrit avec ses tripes, plus qu'il ne produit d'images excessives pour des raisons esthétiques. Cela détonne un peu avec le dépouillement que l'on attribue souvent à la religion réformée, mais l'auteur est quelqu'un qui n'est pas forcément facile de faire entrer dans une case unique.

Tel quel, c'est un monument érigé à la gloire des victimes des atrocités des persécutions religieuses et des guerres civiles, et dans le contexte actuel, il garde malheureusement toute son actualité, dans la dénonciation des folies des hommes, et de tout ce qu'ils sont capables d'infliger à leurs semblables pour des raisons qui vues d'une certaine distance peuvent paraître parfaitement absurdes.
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Si les Tragiques peuvent sembler passer de mode avec leurs références bibliques un peu désuètes de nos jours. Il faut avant tout replacer ce pamphlet poétique anticatholique dans son contexte des guerres de religion qui embrasent le royaume de France avec toutes ses atrocités : persécutions, massacres, tortures et exils des Français protestants.
L'auteur protestant convaincu n'est pas tendre avec les catholiques et il a de quoi l'être, le terrible massacre de la Saint-Barthélemy à Paris vient d'avoir lieu avec son cortège de malheureux protestants occis, dont leur chef l'amiral Coligny sur l'ordre controversé des autorités royales et catholiques.
Cependant, le plus intéressant n'est pas là. D'Aubigné au travers des dénonciations de ces exactions monstrueuses, n'appelle pas dans ces vers au lyrisme sublime, à la loi du talion, ni à la haine contre les catholiques. Pétri de biblicisme protestant il préfère laisser dieu les juger et surtout il désire par-dessus-tout l'union des croyants, autour du roi de France symbole d'unité, à condition bien sûr que ce dernier reconnaisse de plein droit l'existence de la communauté protestante et sa possibilité d'exercer son culte en toute liberté.
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D'Aubigné se convertit à la poésie engagée pendant les Guerres de Religion, qui opposèrent catholiques et protestants (et non, comme je l'ai lu, "chrétiens et protestants"). Il se sentit vaincu à la fin du conflit, quand il lui apparut que le chef du parti réformé, Henri de Bourbon, allait devenir Henri IV, roi catholique. Aussi alla-t-il vivre à Genève, parmi ses coreligionnaires, où il publia le grand poème des Tragiques peu après l'assassinat d'Henri IV.

Le livre se lit en continu, et non comme un recueil de poèmes mis à la suite un peu par hasard. Chaque chant, comme dans une épopée, est un discours poétique cohérent, avec sa logique, sa rhétorique et son propos. le lecteur qui se lancera dans une lecture intégrale des Tragiques devra d'ailleurs se procurer une autre édition que celle-ci, car le texte de d'Aubigné est d'une extrême difficulté (et d'une extrême beauté) : il faut des notes, pour éclairer les points de langue, de culture et pour expliquer certains passages (l'édition des Textes Littéraires Français, chez Droz, est excellente). D'Aubigné en effet ignore totalement la réforme classique de la poésie commencée en France avec Malherbe et son école, qui visent à "purifier" la langue de tout ce qui vient des dialectes et cherchent la clarté et la logique en toutes choses : en bon baroque, D Aubigné a recours à toutes les ressources de la langue, de la mythologie et de la Bible, comme Milton dans son Paradis Perdu, quarante ans après lui, ou comme son contemporain Gongora en Espagne dans ses Solitudes.

D'Aubigné est un poète baroque du XVII°s, ce qui veut dire un poète difficile, et demande des efforts que seule une contrainte universitaire peut motiver, souvent ; il s'étudie et ne se lit pas distraitement ; il n'a rien pour plaire aux modernes, car il est profondément cultivé, en héritier des Humanistes, et fanatiquement religieux comme on l'était à son époque : il respire par la Bible et les prophetes, leur éloquence, leur force, leurs anathèmes et leur violence. Rien ne lui est plus étranger que la tiède tolérance néo-classique qui est devenue la norme poétique française au XVIII°s, que Victor Hugo plus tard sera incapable de réchauffer avec son verbiage. D'Aubigne annonce en un sens Alexandre Blok en Russie ou Ezra Pound dans la poésie américaine du XX°s. L'étonnement et l'admiration où sa lecture nous plonge sont extrêmes.



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Agrippa d'Aubigné a écrit Les Tragiques, débutés en 1577 et publiés seulement en 1616, dans un contexte politico-religieux très particulier, celui de guerres de religion qui ont divisé la France. Pour le protestant, il s'agissait de répondre aux Discours des Misères de ce temps du catholique Ronsard, commencés en 1562 et actualisés jusqu'à la dernière édition du vivant de l'auteur en 1584. Agrippa d'Aubigné connaît les guerres civiles dès l'enfance : il a à peine sept ou huit ans quand, après le massacre d'Amboise en 1560, son père lui fait jurer de venger les protestants exécutés après l'échec de la conjuration.

Agrippa d'Aubigné a d'abord combattu physiquement, les armes à la main, lors de la troisième guerre de religion ; compagnon d'Henri de Navarre (futur Henri IV), c'est plus en tant que capitaine qu'en tant que poète qu'il est connu de ses contemporains.
Les Tragiques n'ont eu aucun succès lors de leur parution ; ce long poème sera réhabilité par Sainte-Beuve et le romantisme.
Il a miraculeusement échappé au massacre de la Saint-Barthélémy en 1572 car il avait dû fuir intempestivement Paris, à cause d'une bagarre avec un sergent du gué. Plus tard, il est grièvement blessé dans une embuscade ; c'est pendant sa convalescence, à Talcy, qu'apparaît son désir de consacrer sa vie à l'écriture de la cause divine à travers une vision prophétique qui deviendra Les Tragiques, mais désir qu'il concrétisera seulement cinq ans plus tard. En effet, remis de ses blessures, il devient en 1573 l'écuyer d'Henri de Navarre, prisonnier à Paris, et participe à la vie de cour avec ses bals et ses mascarades ; en 1576, il participe à l'évasion du prince. L'écriture devient véritablement le prolongement de son épée lorsqu'il est gravement blessé et manque de mourir à la bataille de Casteljaloux en 1577.
En 1593, après l'abjuration d'Henri IV, Agrippa d'Aubigné, très déçu, se retire dans ses terres vendéennes et dépose les armes pour continuer le combat par la plume. Surnommé « le Bouc du Désert », par ses coreligionnaires, il devient le plus intransigeant des « Fermes » à l'intérieur du parti protestant, face aux tentatives de conciliation des « Prudents ». Les clauses de l'édit de Nantes lui paraissent insuffisantes car elles ne font que tolérer la religion réformée ; les conversions des protestants qui espèrent une nouvelle charge à la cour le mettent en colère (Cf. le pamphlet à ce sujet, La Confession du Sieur de Sancy).
En publiant Les Tragiques, en 1616, puis dans une deuxième édition en 1627, Agrippa d'Aubigné voulait inciter ses contemporains à reprendre les armes, ce qu'il fait lui-même sous Louis XIII, avant de se réfugier à Genève.

Ces considérations historiques posées pour resituer ce magnifique texte, je voudrais insister sur le sentiment d'investiture poétique qui a motivé l'auteur, ce dernier voyant dans sa vie sauvée à deux reprises une intervention divine. Les Tragiques sont divisés en sept livres qui forment un tout comme Agrippa d'Aubigné lui-même le dit dans sa préface adressée « Aux lecteurs » : « la matière de l'oeuvre a pour sept livres sept titres séparés, qui toutefois ont quelque convenance, comme des effets aux causes ». C'est un véritable canevas apocalyptique, le chiffre sept rappelant les sept trompettes, les sept cavaliers, les sept sceaux…
Le premier livre, « Misères », célèbre la patrie déchirée et agonisante du fait des guerres civiles ; les lecteurs de ma génération se souviennent d'avoir appris par coeur le passage qui commence ainsi : « Je veux peindre la France une mère affligée... ». Cette allégorie est un tableau saisissant, violent, réaliste et charnel : deux bébés jumeaux se disputent les seins maternels, illustration des partis catholique et protestant qui s'entredéchirent et détruisent la France.
Les deux livres suivants, « Princes » et « la Chambre dorée », dénoncent les vices de la cour des derniers Valois ; au moment de leur composition avait notamment lieu le fameux scandale de la faveur des mignons du roi et Agrippa d'Aubigné était en disgrâce vis à vis d'Henri de Navarre. Dans le livre deux, les débauches et l'injustice sont les cibles privilégiées de la satire féroce et des invectives de l'auteur qui met l'accent sur les rois et leurs vices, sur Catherine de Médicis et ses fils (Charles IX et Henri III), sur les courtisans et leurs mensonges hypocrites. le livre trois stigmatise l'iniquité des juges à travers les pleurs de la justice et de la paix personnifiées, un cortège symbolique, une vision monstrueuse de juges se repaissant des dépouilles de leurs victimes et un appel à la vengeance divine ; la chambre dorée est le nom donné au palais de justice du Parlement de Paris.
Le quatrième livre, « Feux », est un long défilé monotone de martyrs protestants, hommes, femmes et enfants, torturés et brulés vifs, mais dignes et stoïques dans leurs souffrances. Ce livre matérialise le milieu des Tragiques, comme un brasier central, et amorce une importante graduation dans la colère divine.
Dans le livre cinq, « Les Fers », Satan propose de tenter les catholiques et les protestants et Dieu relève le défi, faisant de ce livre le noeud thématique de l'oeuvre. Après les combats et les massacres, survient un déluge mythique ; les anges recueillent le sang des martyrs et l'océan emporte leurs restes.
« Vengeances », le sixième livre, commence par une confession de l'auteur, rempli d'humilité, qui avoue « un printemps de péchés », rappelant sa vie de cour ; puis il évoque les vengeances divines quand le mal atteint son point culminant.
Le septième livre, « Jugement » commence par une longue méditation philosophique, une forme de recueillement à partir de visions animistes sur la résurrection des morts revisitée à l'échelle de la nature toute entière. Puis, viennent le jugement dernier, tel que représenté dans les lieux de culte, et le cataclysme final où la mort devient délivrance. Les Tragiques se terminent dans une contemplation mystique, une extase fusionnelle entre Dieu et les Élus :
« Tout meurt, l'âme s'enfuit, et reprenant son lieu
Extatique se pâme au giron de son Dieu. »

Je suis personnellement touchée par Agrippa d'Aubigné, poète et soldat, à l'écriture pleine de mysticisme et de démesure, une écriture engagée, sensible mais aussi une écriture épique. Sur le plan strictement religieux, il met en scène un Dieu vivant, humain, concerné par le sort des hommes ; les épisodes bibliques, comme le déluge, la résurrection, le jugement dernier ou l'enfer, sont décrits de manière très visuelle.
Agrippa d'Aubigné se démarque par un recours à la force de l'image, paradoxal pour un protestant car le calvinisme strict voit dans la figuration par l'image un risque de séduction et de perversion ; le poète veut montrer les faits, convaincre ses lecteurs en provoquant chez eux une émotion au sens tragique (horreur et pitié) comme il le dit lui-même dans L'Epître aux Lecteurs : « nous sommes ennuyés de livres qui enseignent, donnez-nous en pour émouvoir ». Il s'agit bien de mettre en scène la tragédie qui est en train de se dérouler dans une France déchirée par les guerres de religion.
Certes, l'oeuvre est longue, certains passages un peu lassants mais il y a une puissance, une fulgurance dans le ton et une force dans les images véhiculées qui ne peuvent pas laisser indifférents même si c'est une lecture difficile pour le lecteur d'aujourd'hui.
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La poésie baroque m'a toujours enchantée: moi qui suis la mesure même (!!!!) je trouve dans ses débordements, son outrance, sa folle imagination, un merveilleux exutoire à mes rêves les plus fous. Et chez les baroques, mon préféré c'est Agrippa d'Aubigné.

D'abord j'adore son nom en contraste absolu avec son prénom, comme un vivant oxymore - le trope préféré des baroques!!- je trouve son histoire follement romanesque : petit garçon, il accompagne son papa sous les coursives du château d'Amboise pour voir quelques amis et cousins pendus aux dites coursives ( la conjuration d'Amboise, complot huguenot, fut déjouée et punie en 1560), il épouse avec passion la cause protestante et part guerroyer contre les catholiques dans une France déchirée par les guerres de religion, tombe amoureux fou d'une catholique, proche de la Cassandre de Ronsard , son pire ennemi, poète officiel du honni Charles IX- la belle Diane Salviati, voit l'affreux massacre de la Saint Barthélémy, et s'engage en poésie comme il s'engage à la guerre: "Je n'écris plus les feux d'un amour inconnu..;".

Il sera le vengeur lyrique et armé de ses coreligionnaires massacrés.

La Saint Barthélémy, 24 août 1572...

Il rappelle le jour sinistre avec force, "Voici venir le jour, jour que les destinées voyaient à bas sourcils glisser de deux années, jour qui avec horreur parmi les jours se compte, qui se marque de rouge et rougit de sa honte, qui voulut être nuit et tourner sur ses pas" (je cite de mémoire, je dois en oublier un peu...) nous dit-il dans le martèlement sourd d'un tambour funèbre.

Il évoque l'horreur de la Seine rouge de sang, des corbeaux croassant , repus de chair humaine, sur les murs du Louvre. Vision infernale...Et, dans les Châtiments, évoquant la résurrection des corps, il n'oublie pas les "cendres des brûlés", les corps suppliciés des martyrs protestants venant en riant à la place qui vit leur supplice réclamer justice à Dieu qui leur rit en retour, complice: "Riants au ciel riant d'une agréable audace"....

Un grand poète, à l'oreille musicale, aux images magnifiques:
"Comme un nageur venant du profond de son plonge
Tous sortent de la mort comme l'on sort d'un songe"

Pour ceux que la performance physique intéresse, Agrippa était un colosse, capable de renverser à mains nues son cheval.

La force, le courage, l'érudition...une sorte de Pantagruel: Rabelais l'aurait adoré..Ils se sont ratés de peu!
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Les guerres de religion sont-elles si loin de nous ? Il semble que non et ce qui se déploie dans l'éloquence torrentielle de d'Aubigné c'est le fanatisme et ses excès , l'horreur de ses violences (et la violence verbale ne fait que retranscrire la violence physique). Ce que D'Aubigné décrit se sont les horreurs infligées à son camp (car c'est un auteur engagé) mais elles furent largement partagées. Les Fous de Dieu de tous les temps ne rechignent pas au sang et au massacre. Il y a aussi bien entendu l'extraordinaire virtuosité du langage ,le style épique , la verve du pamphlétaire .dans cette oeuvre qui serait admirable si elle n'évoquait pas un sinistre passé.
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Je suis tombée amoureuse d'un vieux guerrier, vaillant et raffiné. Je sais ! Il est bien plus vieux que moi...mais il est tout ce qu'on peut rêver d'un homme...n'est-ce pas ?

Naturellement, exaltée par cette fulgurance, je souhaiterais que tout le monde lise Les Tragiques. C'est si beau, si fort, si ... tragique. Mais, je sais bien que ce livre est d'accès difficile, de plus en plus difficile, d'ailleurs. Mais c'est aussi cela qui fait son charme. C'est un peu comme découvrir dans un désert pierreux, une petite fleur cachée entre deux rochers. La rareté fait le prix.

Si vous voulez vous laisser tenter, je vous conseille plutôt de prendre une autre édition que celle de Garnier-Flammarion (texte intégral en poche). Choisissez-en une avec un bon lexique, solide et étendu car Jacques Bailbé (en charge de celui-ci) nous a pris pour plus érudits que nous sommes.
Et si cela existe, avec un guide de la prononciation du vieux français. Car, en fin de compte, c'est de la poésie et la poésie, ça doit sonner.
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Ce recueil, plutôt sombre, nous explique comment la guerre de religion, qui oppose catholiques et protestants, a pu dévaster autant moralement que physiquement la France entière. le poète arrive à casser toute hiérarchie sociale, et c'est notamment cet aspect du recueil qui m'a beaucoup plu, et en particulier le poème Misères. Les paysans, ouvriers et agriculteurs se côtoient et entre en littérature dans ce poème avec une troupe de militaires. Cependant, ce recueil reste un livre assez difficile à lire puisqu'il contient un vocabulaire plutôt complexe.

Coline.
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