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Critique de Nastie92


Je me suis souvent demandé pourquoi j'aimais tant Paul Auster. Pourquoi cet écrivain me fascinait, pourquoi il exerçait un pouvoir magnétique sur moi.
Et puis j'ai compris.
J'ai compris ce qui faisait sa singularité.
Il est surprenant.
Ces romans sont truffés de surprises. On ne sait jamais où il va nous emmener.
On ne peut jamais prévoir ce qui va arriver d'un chapitre à l'autre. D'un paragraphe à l'autre. D'une phrase à l'autre.
D'un mot à l'autre, même.
Parce qu'à l'intérieur d'une phrase, Paul Auster peut subitement changer de direction, sans que le lecteur ne s'y attende.
On peut commencer par quelque chose de léger, très léger, et finir par une atrocité, ou vice-versa.
On peut commencer par quelque chose de drôle, très drôle, et finir par une nouvelle d'une infinie tristesse, ou vice-versa.
On peut commencer par quelque chose de très important et finir par une futilité, ou vice-versa.
On passe du coq à l'âne, de l'éléphant à la crevette, du moineau au dinosaure.
On part loin des sentiers battus. On part dans un univers à la fois réel et irréel, dans lequel le moindre petit événement peut prendre des proportions incroyables.

Ouvrir un livre de Paul Auster, c'est embarquer dans un fabuleux grand huit.
Fermez les yeux, et laissez-vous surprendre par les montées, les descentes, les tournants, laissez-vous entraîner dans un tourbillon fabuleux.
Dans 4 3 2 1, Paul Auster fait plus que jamais du Paul Auster.
Ce livre est fou !
Fou par la taille : un gros pavé de 1 016 pages.
Fou par la construction : Paul Auster ne s'est pas contenté d'imaginer la vie de son héros, il lui a créé quatre destins différents. Il a inventé quatre Ferguson.
Fou par le contenu : l'originalité et l'imagination de l'auteur sont poussées au maximum.

J'ai mis plus d'un an à lire ce roman.
Non parce qu'il ne m'a pas intéressée. Pas du tout !
Mes amis sur Babelio savent que j'ai lu plein de livres pendant cette période, parce que j'aime varier mes lectures et que j'ai l'habitude de lire plusieurs ouvrages à la fois.
J'ai donc lu 4 3 2 1 en parallèle avec d'autres romans, nombreux vu le temps écoulé.
Cette période fut très étrange : j'avais ma vie (la vraie) et en parallèle ma vie avec Ferguson... ou plutôt mes vies avec les Ferguson.
J'ai déjà dit que ce livre était fou !
Cette lecture fragmentée ne m'a pas gênée du tout. À chaque fois que je l'ai reprise, je n'ai eu aucun mal à retrouver le fil et poursuivre l'histoire.
Les histoires plutôt, car Paul Auster a écrit un livre foisonnant. Non content de fabriquer quatre destins différents à son héros, il a truffé chacun d'eux d'aventures, de rencontres, de péripéties, de rebondissements : chaque histoire est remplie d'autres histoires.

Qui ne s'est pas, un jour, demandé : "Et si je n'avais pas pris telle décision ?" ou "Et si je n'avais pas rencontré telle personne ?" Qui n'a pas imaginé quelle aurait été sa vie si à la croisée des chemins il avait choisi une autre route ?
C'est sur ces interrogations universelles que Paul Auster a fondé son texte.
Une petite variation et... tout change. Comme dans un kaléidoscope.
Un kaléidoscope géant qui nous montre une image différente dès qu'on le tourne un tout petit peu.
Pour Ferguson, une petite différence initiale, et c'est une toute autre vie qui s'offre à lui.
Paul Auster dirige ce kaléidoscope de main de maître et fait tourner le joujou quand il le veut. Il maîtrise parfaitement tout, le contenu et le rythme.
Un auteur est toujours le créateur de ses personnages, le créateur des histoires qui leur arrivent.
Ici, c'est multiplié par quatre.
Non, en fait, c'est multiplié par bien plus. C'est quasiment infini, comme lorsqu'à travers un jeu de miroirs habilement disposés, une image nous offre une infinité de reflets.
C'est vertigineux !

Incroyable Paul Auster ! Comment a-t-il fait pour écrire un livre pareil ? Comment, en tant qu'auteur garder la cohérence, ne pas perdre le fil ? Comment mener à terme un projet aussi démesuré, pas seulement par sa longueur, mais par la complexité des histoires imbriquées ?
Il faut avoir un sacré talent pour faire tout cela. Et brillamment, en plus !
Outre les vies de Ferguson, Paul Auster nous montre tout un pan de l'histoire américaine contemporaine. Il glisse aussi entre les pages tous ses dadas : le baseball, le cinéma, la littérature, la musique, la politique, la ville de Paris... tout y passe, ou presque.
Si je prends l'exemple du base-ball : je ne connais rien à ce sport, mais je ne me suis pas lassée du tout. Je m'y suis même intéressée.
Parce qu'en plus des talents que j'ai déjà évoqués, Paul Auster a un don particulier : celui de réussir à m'intéresser à tout. Je parie qu'il réussirait à m'intéresser à la mise en conserve des petits pois !

Tel un réalisateur dirigeant un film, Paul Auster dirige ses personnages.
Tel un chef d'orchestre, il donne le tempo et décide de la coloration et de l'intonation qu'il donne à chaque passage.
Ce doit être grisant d'être à la barre dans une oeuvre d'une telle envergure.
C'est également grisant de lire un tel livre.
Alors, qu'attendez-vous ?
4 3 2 1... partez !
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