La mode était, en ce temps-là, de se montrer chaque jour
de quatre à sept heures au bois de Boulogne. Une longue file
d’équipages attelés de magnifiques chevaux suivait lentement
l’allée des Acacias jusqu’à la Cascade, croisant ceux qui en revenaient, promenant tout le luxe de Paris. On appelait cela « faire
son persil ».
J’ai gardé, du temps passé dans cet établissement, un souvenir mélancolique et doux. Ses bâtiments et l’ordonnance de ses jardins, les grandes portes qui séparent les uns des autres me semblaient confusément évocateurs d’un grand siècle.
Il s’en dégage une majesté grandiose comme tout le style du grand roi Louis le quatorzième. J’y fus heureuse et choyée de tous. Les surveillantes me considéraient comme l’enfant de la Maison où règne un charme vieillot qui plaisait à mon âme rêveuse.
Au tournant de la vie, il paraît doux de se sentir encore aimée et désirée. Bien tentant aussi de s’abandonner à une protection.
Dans ses moments d’accalmie, aux heures de repas, elle s’efforçait de me faire comprendre que c’était à moi que , désormais, incombait la tâche de rétablir notre situation, que la vertu ici-bas n’a aucune chance de réussir, qu’il existait deux sexes différents, que des messieurs âgés couvraient d’or les jeunes femmes, pourvu qu’elles se laissent embrasser..
La malice vient aux filles, jusqu’aux plus timides ...
On alléguerait que j’étais punie et privée de sortie.
Je fus bien heureuse de cette décision qui me protégeait contre mon bourreau.