Ton insolence vitale irrite ceux qui voient en toi une concurrente à éliminer pour laisser place à "l'Homme" : " Les feuilles vertes continuent à faire ce que personne ici-bas ne sait faire : transformer l'énergie solaire en organisme vivant."
L'empoissonnement de la vie n'est plus confiné dans des lieux particuliers et hermétiques, dans des lieux maudits. Il est un quotidien universel, amplifié par la course affolée et affolante du capitalisme global.
Face au gaspillage insensé de tes sols et sous-sols, les "maîtres" de l'économie ont jugé urgent de bloquer les réglementations environnementales en appelant à la responsabilité individuelle et à l'auto-soumission. Pour éviter l'obligation des consignes, les firmes ont promu un recyclage volontaire volontaire, dont l'immense mérite, à leurs yeux, est de favoriser les "petits gestes" de civilité environnemental et d'inciter à la responsabilité individuelle. Peu importe si le système de la consigne est moins prédateur et polluant que le recyclage, ta beauté doit céder devant celle de l'Amérique, de Général Motors à Coca-Cola. Nous sommes chacun et chacune responsables. Le salut commun en appelle aux gestes individuels.
Si Bayer est en effet connu pour l'invention de l'aspirine, il l'est aussi comme part du conglomérat IG Farben et comme producteur du gaz Zyklon B, insecticide et raticide utilisé pour accélérer l'industrialisation de la mort dans les camps nazis.
J'ai aussi compris que le recours aux plus invraisemblables mensonges accompagnerait toujours les échecs de la puissance.
Nous avons étouffé les bruits de ton insoumise présence; Les passeurs entre nos mondes disparaissent, la poésie est rare et souvent frelatée, les sorcières ont été exterminées, la pensée critique tient toujours le monde sensible à bonne distance académique. Il nous reste les sorciers gris et endimanchés qui prétendent insuffler un esprit aux marchés depuis les écrans de Wall Street, les techno-sorciers décontractés de la Silicon Valley entendant te piloter par des algorithmes intelligents, les sorciers alchimistes qui promettent du charbon propre, des œufs sans poules, de la viande sans animaux et du miel sans abeilles. C'est un fatras assourdissant, post-moderne et post humain.
Les peuples autochtones ne sont pas des vestiges d'un passé figé, parqués dans des camps et objets d'étude pour ethnologues, ils donnent simplement quelques conseils de sagesse. Ils ont su en effet, malgré le désastre de l'imposition d'un monde unique par l'Occident, préserver des mondes contenant des germes d'un futur pour tous.
Et nos lanceurs d'alerte contemporains ne sont pas les bienvenus. Souvent pourchassés, caricaturés, ils sont soumis à des contre-expertises menées par les responsables des désastres quand ils ne sont pas accusés de violer le secret des affaires.
Antonin Pottier a raison d'écrire que les économistes orthodoxes ont contribué à ralentir la perception des catastrophes écologiques. Plus on t'empoisonne, plus l'économie est florissante ; elle transforme les déchets et les désastres en richesses et titres financiers.
L'économie, l'oïkos nomos, la gestion de la maison, est sortie de la maison. Elle en a fracassé les murs et les fondations. Sans cette limite protectrice, l'esprit gestionnaire a pu se déchaîner, il est devenu sa propre fin.