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Critique de Fortuna


Encore une histoire tragique – une histoire récente, celle de l'Iran – liée à la folie meurtrière qui peut habiter les hommes au nom de la religion. Un peuple brutalement forcé à renoncer à sa culture ancienne, à sa joie de vivre, ses femmes murées sous le voile, ses enfants abrutis par une idéologie meurtrière, c'est ce qu'ont tenté de fuir Hushang, sa femme Roza et leur trois enfants en se réfugiant à Razan, village montagnard au coeur de la forêt. Loin de Téhéran, où la narratrice, une de leurs fille, est morte, même si elle continue à hanter le monde des vivants, brulée vive par les révolutionnaires, où leur fils emprisonné ne va pas tarder à être exécuté…Mais là aussi il est difficile d'échapper à la terreur du nouveau régime, les mollahs ne sont pas loin. Lors d'une crise mystique, anéantie par la mort de son fils, Roza va se réfugier en haut d'un prunier sauvage et bientôt disparaître, partir pour se perdre, pour fuir toute cette horreur…Obéir au peuple des forets, sa dernière liberté.

Beeta, la dernière fille vivante est restée seule avec son père dévasté de chagrin. Amoureuse d'Issa, orphelin car sa mère avait rompu un pacte passé avec les djinns, et qui connait le langage des libellules, elle partage avec lui un amour ardent avant qu'il l'abandonne brutalement. Après de longues années de désespoir, elle prend la forme d'une magnifique sirène, met au monde des centaines de poissons, part vivre au fond de l'océan mais sa nostalgie de la terre et des siens la perdra…
Le roman de Shokoofeh Azar mêle croyances anciennes, magie, sagesse pour lutter contre l'horreur de la violence destructrice du régime de Khomeiny qu'elle fait mourir dans un palais de glaces, très symbolique, son portrait de dictateur ayant été diffusé à l'infini pour écraser toute tentative de résistance. Elle dénonce l'assassinat des intellectuels et des opposants, la soumission des jeunes à la loi islamique, la destruction de la culture ancienne, la volonté d'imposer l'islam comme religion universelle, les autodafés, les exécutions sommaires, en replongeant aux sources de la culture populaire. L'histoire tragique de cette famille laisse une pointe d'espoir : au-delà des horreurs dont est capable l'être humain, il y a la voix de la Nature qui, si on prend le temps de l'écouter, nous ramène à la réalité et à la poésie dont l'imagination de l'homme l'a habillée. Un très beau roman.
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