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Critique de ladythat


Bedřich Fritta est déporté au camp de Terezín en novembre 1941. Avec d'autres artistes, il travaille à la réalisation de plans et d'aquarelles de propagande qui disent combien la vie est belle à Theresienstadt. Entre deux illustrations nazies, les peintres utilisent le matériel à leur disposition pour peindre secrètement la réalité d'un quotidien bien moins colorés, un quotidien qui montre le désespoir, la souffrance, la faim, le froid, la mort. Bedřich Fritta dessine également pour son fils, Tommy. Il souhaite lui offrir un livre pour son troisième anniversaire…
Le 17 juillet 1944, ils se font prendre : Bedřich Fritta, Leo Haas, Ferdinand Bloch, Norbert Troller et Otto Ungar sont arrêtés, torturés, condamnés pour propagande mensongère. le 26 octobre 1944, ils sont envoyés à Auschwitz où Fritta meurt le 4 novembre. Leo Haas a promis que s'il en sort vivant, il s'occuperait de Tommy. Il survit. Il revient à Theresienstadt pour y récupérer les dessins dont il est désormais le seul gardien de la mémoire de ses amis. Parmi les centaines de peintures, croquis et autres dessins, Leo découvre le petit livre de Tommy, un simple carnet recouvert de toile de jute. Il l'offrira à Tommy le jour de ses dix-huit ans.

L'ouvrage se divise en deux parties. La première vient directement du camp de Terezín et se compose des cinquante-deux aquarelles que l'artiste tchécoslovaque destinait à son fils. Tout à tour tendre et drôle, le livre de Tommy déborde d'amour et d'espoir. Ces dessins représentent l'enfant dans des gestes quotidien ou exprimant des émotions divers, d'autres tiennent plus de l'imagier et d'autres encore représentent l'avenir, celui que la père espère pour son jeune fils, alors qu'il ignore ce que le monde leur réserve ou s'ils sortiront un jour de cet enfer… L'émotion monte crescendo plus les illustrations tendent vers l'incertain et les espérances d'un père qui aimerait juste que son fils ait un avenir. Si l'amour qui se dégage des premières était déjà touchant, celui qui déborde des dernières est carrément bouleversant.
La deuxième partie est écrite par Hélios Azoulay, artiste aux multiples talents, qui nous raconte Bedřich Fritta, le Theresienstadt, le nazisme, la Solution finale de la question juive, Tommy, Leo, la vie d'après… Les mots sont tranchants, ils viennent brutalement confrontés le lecteur à l'horreur, l'innommable. On sent la colère, l'incompréhension de l'artiste, de l'humain. Les larmes montent ; le vertige me gagne ; la douleur est là, étouffante, accablante ; les larmes coulent… Je reste sans voix ! Les illustrations sombres, en noir et blanc, de Fritta viennent appuyer les propos de l'auteur et dénoncent l'horreur de la Shoah en Bohême-Moravie.
L'ensemble forme un tout, s'inscrivant dans l'héritage et la mémoire collective pour que jamais ne se répète l'horreur. Par ailleurs, je trouve intéressant la publication d'un tel titre à l'heure où le travail des artistes, et des auteurs en particulier, est de plus en plus soumis à la critique ou à la censure. En effet, là où l'on trouve aujourd'hui normal de remettre en question la légitimité d'un auteur à écrire sur un sujet considéré d'appropriation culturelle, de l'insulter ou d'appeler à la censure, il est pertinent de s'interroger sur les limites à ne pas dépasser pour éviter tout débordement extrémiste en regardant comment la censure a permis au nazisme de dissimuler ses atrocités…

Je remercie Babelio et les éditions du Rocher pour ce témoignage reçu dans le cadre de Masse Critique.
Lien : https://sirthisandladythat.c..
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