Pour ma part, j'étais davantage effrayé par les effets psychiques de milliers d'heures passées en adoration devant un appareil à haut rayonnement de crétineries. La population occidentale semblait avoir attribué au portable la sacralité dont un voyageur du Moyen Âge investissait le crucifix en bois à son cou.
Je vis ses traits se coaliser autour d'une possibilité de refus, sans parvenir à serrer les rangs d'une justification décente dans un délai assez bref. Un élan de tendresse m'envahit. J'avais affaire à un de ces individus qui non seulement se meuvent dans le monde désarmé de prétextes, mais qui sont aussi privés du bon sens qui leur éviterait de s'intégrer dans un contexte professionnel dont l'art du mensonge constitue un fondement indispensable. On devrait interdire à ce genre de personnes de travailler dans le commerce.
Les vingt-neuf degrés annoncés à la radio sur la côte de Douvres n'étaient autres qu'un avis d'expulsion que la planète Terre délivrait à l'humanité.
Il serait déontologiquement incorrect de ne pas détester un individu qui vous méprise : la réciprocité émotive est un des piliers de la stabilité psychique. Détester un être qui ne vous déteste pas peut être une source de déséquilibres aussi graves qu’aimer un être qui ne vous aime pas.
Une aspersion d’eau baptismale ne peut égaler le choc salvateur de la certitude suivante : la vie est une histoire incompréhensible, et aucune religion, superstition ou loi physique n’est en mesure d’en expliquer le sens.
Quelles conséquences aurait à long terme la surexposition à un nombre colossal d'informations fausses, non vérifiées ou d'une importance incertaine ? Nouvelles sans intérêt, milliards de stimuli multicolores dont l'utilité était inférieure même aux petites perles de couleur que les premiers colonisateurs européens offraient aux sauvages du Nouveau Monde : toutes les idées insignifiantes qui proliféraient sur le Net.
- Chaque fois que j'essaie, ton portable répond occupé. Tu vas finir par attraper une saloperie au cerveau, Kurt.
- Je sais. Au moins, mon épitaphe est prête : mort par overdose de disponibilité.