Davide Ricci est neurochirurgien, comme son illustre père avant lui, et vit paisiblement à la périphérie de Lucques en compagnie de sa femme Barbara et de leur fils adolescent Tommaso. Lorsque Barbara et Tommaso se font attaquer par un homme ivre dans un restaurant, le temps s'arrête, Davide se fige, et observe un inconnu intervenir sans ménagement pour neutraliser l'importun.
Si notre anti-héros se savait un homme bourgeois et posé que la violence révulse, il découvre ce soir-là une réalité plus sombre : il est simplement lâche. Déjà écrasé par la figure tutélaire d'un père, qui fut un neurochirurgien hors pair, notre homme est au bord de la rupture. Est-il vraiment un bon chirurgien, un bon mari et père, ou n'est-il qu'un lâche, qui regarde, interdit, sa femme et son fils se faire agresser ?
C'est en retrouvant Diego, l'inconnu qui est intervenu le soir de l'agression, que Davide va tenter de se reconstruire auprès de celui qui va devenir tout à la fois son ami et son mentor. Maître zen spécialisé en arts martiaux, Diego va tenter de réveiller la violence archaïque qui sommeille en Davide, une violence refoulée par une éducation bourgeoise, qu'il est temps de faire ressurgir. Tout en lui enseignant sa philosophie de vie toute personnelle, Diego initie Davide aux arts martiaux et entreprend de changer la nature profonde du narrateur.
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« Les Italiens sont des Français de bonne humeur » affirmait
Jean Cocteau. le nouveau roman de
Fabio Bacà ne contredira pas l'affirmation de l'artiste français. L'auteur aborde la crise existentielle de son héros avec une forme de dérision, de distance amusée, se moquant au fond de ce notable écrasé par la renommée paternelle qui découvre l'étendue de sa lâcheté. Les autres protagonistes sont logés à la même enseigne. Barbara s'affole à l'idée que ses quarante ans avancent à grands pas, un âge qu'elle n'hésite pas à associer à une forme de mort prématurée. Tommaso, adolescent brillant passionné d'astrophysique, fait un « bad trip » en consommant du haschich lors d'une soirée estudiantine. Alors que son état inquiète les membres de la soirée, la belle Francesca s'occupe du jeune adolescent, qui tombe amoureux illico. Même Diego, le moine Zen qui ne rechigne jamais à se battre, n'est pas épargné par l'auteur, qui nous apprend que ce dernier apprend à l'avance les tirades viriles qu'il fait subir aux « victimes » du rôle de redresseur de torts qu'il s'est assigné.
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Roman sémillant au vocabulaire soigné, «
Nova » pose un regard teinté d'une douce ironie sur les maux de privilégiés, qui ont tout le loisir de s'inquiéter de leur âge ou de leur peu d'aptitude à la violence. À travers les réflexions « philosophiques » de Diego sur la nécessité de retrouver la part de violence primitive qui sommeille en chacun de nous, l'auteur nous invite à réfléchir sur les conséquences de la douceur de notre civilisation sur notre psyché. Et pourtant. En ne prenant aucun de ses personnages au sérieux, y compris le nouveau mentor de Davide,
Fabio Bacà sème le doute dans l'esprit du lecteur sur la profondeur réelle des digressions d'un moine Zen aussi attachant que loufoque.
«
Nova » nous narre les tribulations tragi-comiques d'une famille de nantis, avec une maestria qui force le respect. La possibilité d'une métamorphose de Davide, neurochirurgien paisible, en un homme capable de faire ressurgir une violence archaïque enfouie, apparaît comme le noeud gordien d'une intrigue protéiforme.
Si le roman comporte plusieurs scènes proprement jubilatoires qui lui confèrent un charme indéniable, ses protagonistes sont trop archétypaux pour être réellement attachants. L'ironie raffinée de «
Nova » est aussi sa limite. En ne dissimulant pas son plaisir de démiurge malicieux,
Fabio Bacà désincarne son intrigue, au risque de laisser son lecteur à distance de son roman aussi brillant que virevoltant.