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Critique de PaulMartin


L'auteur introduit cette compilation d'articles et de discours par une définition éclairante de la philosophie : elle « s'intéresse exclusivement aux relations qui ne sont pas des relations. »

Puis il décrypte les images de la seconde guerre du Golfe en 2003, et philosophe sur la « puissance illimitée » des Etats-Unis et la « démocratie d'Etat », en somme sur ce que tout le monde sait confusément mais qui est rarement dit explicitement.

A 78 ans, Badiou part ensuite dans un délire utopiste. Son idée neuve c'est « pour que notre existence spirituelle soit à la mesure de tout ce qui se prépare, (…) une nouveauté frappante. (…) Cette décision doit être, j'en suis persuadé, celle d'une fusion de l'Allemagne et de la France » (…) « dans un ensemble inédit, et donc un monstre. »
Et de comparer la France à la cité d'Orsenna du roman de Julien Gracqle Rivage des Syrtes « qui, sourdement, aspire en réalité à l'invasion, à la destruction, à la résiliation. »
Le rêve de Badiou s'est réalisé en 1940. Ca ne suffit donc pas ?
« Pas exactement un pays mais pas autre chose qu'un pays » et bien sûr « ouvert au monde entier ».
En fait ce qu'il veut c'est la disparition des deux, déjà en dépression démographique, remplacés par un espace ouvert où viendraient se déverser des centaines de millions de migrants qui ne demandent que ça. Sûrement un projet progressiste propre à émanciper les peuples et à faire avancer la paix.

L'auteur se fait au passage une curieuse vision de l'Europe puisque selon lui « les Argentins ont bien des titres à faire valoir pour une candidature européenne ». Dans ce cas, pourquoi pas aussi l'Australie et la Nouvelle-Zélande ?

Sacrifiant à son activité favorite, l'onanisme intellectuel, il prétend définir ce que l'art doit être : « une production, par le moyen fini d'une soustraction matérielle, d'une série subjective infinie. (…) L'art vrai est ce qui interrompt la circulation, et ce qui ne communique rien ».
Et il lance un nouveau mouvement : l'affirmationnisme, pour « restituer le vouloir artistique à sa rigueur incorporelle, à sa froideur anti-romantique, aux opérations soustractives par lesquelles il se tient au plus près de ce réel sans image qui est la seule cause de l'art », et se dit pour un art qui « affirme à jamais l'inhumanité du Beau ».
Les étudiants en art contemporain, pour lesquels le discours qui accompagne l'oeuvre est au moins aussi important que celle-ci et surtout plus important que le souci du beau, y trouveront utilement matière à spéculer. On s'inquiète à l'avance de ce que donnera à voir le résultat de leur méditation abreuvée à une telle source.

Mais c'est dans sa dénonciation de la loi anti-foulard de 2004 que Badiou se montre à la fois le plus incandescent, le plus malhonnête et le plus irresponsable.
Il feint de ne voir que bout de tissus et liberté de se vêtir là où il y a esprit de conquête d'une identité contre une autre, sur fond de bouleversement démographique.
Preuve en est, sur les 17 pages de son exposé, jamais n'apparaît la question du nombre. La qualité mais pas la quantité. le Dr Badiou prescrit un médicament parce qu'il est bon. Sa posologie ? Il s'en fout. Dût le patient mourir d'overdose.
Pourri jusqu'à l'os par l'inconséquence de son idéologie mortifère, il aurait traité de fachos les Apaches chiricahuas qui s'alarmaient, eux aussi, de voir progresser sur leur sol ce « bout de tissu », lui aussi, qu'est le drapeau américain. Feignant d'ignorer que là-bas, le grand remplacement, ce « fantasme d'extrême droite », a pourtant bien eu lieu.

Le principal intérêt de ce livre est de mieux comprendre les raisonnements d'un idéologue utopiste, accroché à ses vieilles lunes et qui ose encore écrire « mon cher Mao » malgré les 50 millions de morts du Grand bond en avant.
Des raisonnements rigoureux et implacables, comme ceux du paranoïaque convaincu d'avoir raison alors qu'ils sont propres à mener au chaos.

Il plaira surtout aux intellectuels d'extrême gauche qui y trouveront de quoi nourrir leurs chimères, et convaincra les autres qu'il y a mieux à faire que le lire.
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