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Critique de DELOUCoeur


Victime du rachat de la société de communication « Tralala » par ARAKNID, Khadija Ben-Abdelhilaliakbir, nommée Dijà Ben par ses collègues pour raison de facilité, se retrouve au chômage. D'emblée le lecteur est plongé dans les comportements du monde du travail à l'ère moderne où tout doit aller vite, au prix d'une certaine dépersonnalisation des travailleurs. le nom de la société qui avale l'autre n'est pas anodin non plus. On n'a plus besoin d'une rédactrice soucieuse de beaux textes au langage choisi, il faut des images et des slogans courts frappant rapidement le chaland. Après une certaine période contemplative, face à la fenêtre de sa cuisine dont l'espace est occupé par un noyer (faut-il aussi voir ici une métaphore ?) et la visite inattendue d'un renardeau, Khadija se mobilise pour tenter de retrouver sa place dans une société en marche. La voici confrontée aux placeurs du bureau de chômage, au racisme, et autres idées reçues. A tel point qu'elle va fonder son auto-entreprise et accepter un emploi précaire dans la nouvelle société fusionnée. En effet son directeur Xavier Kalakson, dit le poulpe, soucieux d'offrir une image sociale réconfortante, va, en tant que mécène, permettre la création d'un atelier cuisine dans l'annexe de l'entreprise. Y seront engagés les laissés pour compte du système, les « inutiles » qu'il faut remettre sur le chemin de l'emploi, une réinsertion de bon aloi, dont dépendent évidemment les allocations. Khadija en sera la rédactrice afin de répercuter l'image positive de l'action. Vont défiler ainsi une série de « bras cassés » victimes de la société moderne qui ne laisse pas beaucoup de place à la différence. Véronique, l'infirmière métisse que l'on a tellement exploitée, qu'en surmenage majeur elle a pété les plombs et a été licenciée sans droit pour faute grave. Gérald, homme violent sous bracelet électronique. Jean de la Belle Tour, brillant, multilingue, artiste, cultivé mais tellement introverti et timide qu'il en est quasi muet et incapable de passer un entretien d'embauche. Son espoir est de trouver une place de jardinier à la commune. Johnny-Bryan, un doux rêveur, bien qu'il se dévoue corps et âme dans le bénévolat et l'aide aux plus démunis que lui, est absolument réfractaire à tout type de travail. Tout ce petit monde est sous la houlette du chef Achour, sexagénaire ayant perdu son restaurant et grand ami du Poulpe. Au fil du roman, certains disparaissent : Gérald, qui a fait une « sortie positive » (autrement dit il a retrouvé du travail) et Johnny-Bryan une « sortie négative », (il a été exclu du programme de réinsertion et privé de ses allocations, car il ne s'est plus présenté à la cuisine). Cela donne à de nouveaux personnages, hauts en couleur, l'occasion de faire leur apparition. On découvrira ainsi Ishtar et Sam l'ambianceur. La « théorie des aubergines » représente le travail à la chaîne. Si chacun est assigné à une tâche, laver- peler- couper- mettre de l'huile et des épices- griller, cela va beaucoup plus vite que si une seule personne réalisait seule le tout. C'est le taylorisme opposé à l'artisanat. La force du roman est de nous montrer que chacun possède une richesse qu'il faut découvrir et que ne pas rentrer dans le moule est sans doute plus une force qu'un handicap. J'ai ri, mais j'ai surtout été très émue. Surtout à la fin, où les larmes me sont montées aux yeux lorsque tout ce qui avait été tu sur la personnalité et le chemin de croix d'Achour nous est révélé. « La théorie des aubergines » est un roman social tendre et poétique, rédigé dans une merveilleuse langue française. J'ai beaucoup aimé.
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