J’ai l’amour maudit. Toute ma vie j’en ai eu la preuve. Je le sais comme on sait le prix à payer pour acheter des concombres ou des cigarettes. Je suis de la génération pour qui tout se paye et s’achète au supermarché. Je le sais comme on sait que la grande distribution vend les briques de lait qui sortent de l’usine ; et que le café est instantané et le thé en sachets. Je le sais comme le joueur sait qu’il paye le ticket de Loto de sa ruine. Il paye comme on paye une fille de la rue Serre-moi, des minutes fugaces de jouissance et de rêve
Lorsque mes pieds foulent le territoire interdit aux Terriens de seconde zone, je suis prise d’un fou rire. Bienvenue au paradis ! Dans mon imagination, elle était plus belle l’Europe. Aussi cristalline qu’une pierre de pureté. Avec des gens gentils qui circulent à bicyclette, qui disent bonjour, merci et au revoir.
J’ai souvent rêvé d’être un homme. Pas nécessairement pour toujours. Juste le temps de me promener torse nu les soirs de canicule. Le temps de fumer une cigarette assise sur le trottoir. Le temps de courir dans les rues ou de danser sans que les têtes se retournent.
La baguette sous cellophane, c’était le produit phare ce jour-là. Tout le monde sortait baguette sous le bras, c’était pratique avec le plastique. Pas de problème pour les aisselles qui sentent en raison de la longue attente. Moi, je ne voulais pas manger de ce pain-là. Sans doute à cause de la résistance aux changements alimentaires et le pain avait l’odeur des médicaments. Aseptisé, blanc et fade.
Monsieur Mouskir est un barbu de format petit pain, les poils hirsutes d’un noir presque bleu. Tel qu’il s’habille, avec des pulls en laine et des sarouels en satin, je lui trouve l’allure d’un ayatollah déguisé en lutin
Le rêve est la plus belle preuve de clémence divine adressée aux prisonniers.
Tout se paye, et le client est roi. Devant mère officielle, il ne bronche pas le banquier.
Sourire Colgate sur les lèvres, empestant l’after-shave, il noue et dénoue sa cravate imprimée de cochons roses à queue en spirale. J’en ai déjà vu des cravates comme celle-ci dans le stock professionnel de mère officielle, avec, quand on les retourne, d’une femme à poil, les jambes écartées et les seins trop parfaits pour être et beaux. Effondrée qu’elle était mère officielle en découvrant tant d’impudeur. Heureusement que Saïd l’épicier s’est chargé d’écouler le lot licencieux.
Summum du chic bancaire, le banquier sort du tiroir des friandises Mackintosh’s Quality
Street. Je jette mon dévolu sur le bonbon bleu à la noix de coco. Mère officielle
saisit la boîte, vérifie la langue, la provenance, le code-barres, les couleurs, les
immeubles et les illustrations.
– Ce n’est pas de la contrebande, mère officielle ne prend pas de bonbon : C’est du
faux Mackintosh Qualité Stricte. Honte à la banque !
Un homme en habit officiel et une dame parapluie à la main sont dessinés sur le couvercle.
Il nous en fait un speech le banquier, nous proposant des emballages à fric de toute
sorte. Coffres-forts, cartes Gold, carte Visa, Master Card, chèques barrés, crédits
logement, crédits à la
L’Éducation nationale embauche pour inculquer la foi au peuple. Il faut former les générations aux rituels de la pratique, au partage et à l’héritage. L’école veille à l’éducation des bons citoyens. Un professeur d’éducation religieuse est respecté. Un professeur d’éducation religieuse est payé au lance-pierres. Garçon Caméléon pourra un jour remplir la moitié du caddie, payer le supermarché et contribuer au systèm bancaire.
J’ai souvent rêvé d’être un homme. Pas nécessairement pour toujours. Juste le temps de me promener torse nu les soirs de canicule. Le temps de fumer une cigarette assise sur le trottoir. Le temps de courir dans les rues ou de danser sans que les têtes se retournent.
Ce qu’il y a de bien avec lbanque, c’est qu’on peut y accéder sans frapper à la porte. Nul besoin de rendez-vous non plus. Pour peu, on nous remettrait le double des clés. Il suffit d’avoir un compte.