Le client ne savait pas s'il était déprimé, s'il souffrait d'une crise de la maturité, s'il vieillissait tout simplement, s'il était insatisfait de son travail, ou s'il était "inconsciemment insatisfait" de son mariage. Il espérait que ce n'était pas son mariage qui le tourmentait parce qu'il pensait aimer sa femme et il pensait qu'elle l'aimait. Il disait qu'il ressentait une insatisfaction vague, non explicite, inintelligible, ou un vide. Plus il y pensait, plus il était dérouté quant à (z) ce que pouvait bien être le problème, (b) ce que pouvait bien en être la cause, (c) le fait qu'elle pouvait être une combinaison de plusieurs des possibilités, et (d) qu'il puisse s'agit d'un problème totalement différent, dont on ne s'était pas aperçu.
Observez tous les signes vous permettant de dire s'il fait semblant ou s'il est simplement en train de faire semblant de faire semblant.
Prétendre ou faire comme si le miracle s'était produit sert ici encore à séparer la construction de la solution du processus de développement du problème/plainte, et à contourner le point de vue historique et structuraliste des clients, ainsi qu'à éviter tout désaccord sur la véritable nature du problème. UNe fois que la solution se développe, une fois que les clients savent que le problème est résolu, peu importe pour eux (ou pour quiconque) ce que le problème pouvait bien avoir été.
La structure de la question miracle et des autres questions de ce type permet aux clients de contourner leurs hypothèses structuralistes et causales, ils n'ont pas à imaginer le processus de suppression du problème, uniquement ses résultats.
Les objectifs sont donc des descriptions de ce qui sera présent, de ce qui va se passer dans la vie des patients quand la plainte sera absente, quand la douleur qui les a amenés en thérapie sera absente et qu'ils ne décriront donc plus leur vie en termes de problèmes.
Sans moyens clairs et concis de savoir si oui ou non la thérapie a réussi ou échoué, celle-ci peut se poursuivre à l'infini - ce qui veut dire que parfois le thérapeute et le client réussissent sans qu'ils le sachent. Quels que soient les autres résultats qui en découlent, une conversation thérapeutique non achevée est un échec partiel, car l'un des buts de la thérapie devrait être de résoudre le problème du client et d'achever la thérapie dès que possible.
Ecrire l'histoire d'un cas est une forme de récit, et Erickson est un remarquable conteur. Ses études de cas se lisent souvent comme des nouvelles, qu'ils soient agrémentés ou non d'un propos didactique ou d'illustration. Ceci explique en partie la fascination qu'Erickson exerce sur les thérapeutes.
Les débats conceptuels sur les changements de premier et de second ordre, et sur le changement continu et discontinu paraissent déplacés dans un contexte de conversation thérapeutique. Le changement est le changement tant qu'il demeure satisfaisant pour les clients, tant que les changements qu'ils décrivent sont des changements qui leur indiquent qu'une solution s'est développée.
Pour être pleinement satisfaisants, il semble que les changements qui précèdent la séance doivent être certifiés par le thérapeute comme des changements significatifs pour qu'ils soient perçus comme authentiques et réels. Sans ces confirmations, il semble que les changements ne puissent être vécus comme authentiques et réels - le couple est donc assez incertain de ces changements pour devoir venir en thérapie même si le processus menant à une solution est enclenché.
Selon la vision historique et archéologique de Foucault, tout "changement est le fruit du hasard, qui nous apparaît comme une transformation discontinue" (Leitch [...]), ce qui concorde tout à fait avec les descriptions du changement proposées par la majorité des clients.