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Critique de MademoiselleBouquine


Go Tell It On The Mountain est une lecture longue, dense, exigeante. Elle n'est pas longue par son nombre de pages, mais par la richesse de la réflexion que partage son auteur. Elle n'est pas dense par son caractère désordonné, mais au contraire par sa construction riche et profondément satisfaisante, dans le sens où lorsque le roman s'achève, le lecteur ne peut qu'être secoué par ce qu'il vient de découvrir. Elle n'est enfin pas exigeante à cause d'un propos incompréhensible, mais justement parce que ce que raconte Baldwin ne nous parle que trop bien, et nous pousse à interroger notre propre intériorité, notre propre histoire, quand bien même le destin de ce jeune adolescent noir à Harlem et celui de sa famille nous sont on ne peut plus étrangers.



Ce livre se déroule sur un laps de temps extrêmement resserré, une messe, un prêche, à peine une heure, mais il s'étale en réalité sur des décennies et des décennies en revenant sur les parcours de plusieurs de ses personnages.

Il y a John, dont personne ne mettra plus de quelques pages à comprendre qu'il s'agit de l'avatar de James Baldwin.

John a quatorze ans. John est perdu, haï par son père, isolé dans son propre foyer, à la dérive. Mais John s'apprête à connaître une révélation, une épiphanie, qui va bouleverser son existence.

Et puis autour de lui, comme une nouvelle sorte de trinité, il y a les adultes.

Il y a Florence, sa tante. Florence et son mariage entaché de tellement de souvenirs malheureux, Florence qui, si elle a beau être là désormais, restera toujours aux yeux de son frère celle qui a déserté la maison familiale.

Il y a Gabriel, son père. Gabriel est pasteur, terrifiant d'autorité, maître partout où il pose les pieds. Mais ça, c'est comme partout, c'est uniquement la théorie.

Il y a Elisabeth, sa mère. Elisabeth si silencieuse, si docile, qui révère son mari, à moins qu'elle ne soit en réalité trop apeurée par sa personnalité envahissante pour oser protester. Ou trop reconnaissante ?



Petit à petit, les voix lancinantes et plaintives de ce quatuor se déploient, en des "prières" même, comme sont intitulés les chapitres qui leur sont à chacun consacrés. Ensemble, ces témoignages forment une complainte terriblement émouvante, celle de toute une famille sans repères, qui ne cesse de se heurter sans cesse à la violence dans ce qu'elle a de plus déshumanisant, qui se sent comme condamnée à répéter sans cesse les mêmes erreurs. Mensonges, tromperies, trahisons, envers les autres, envers soi-même.



La question qui se forme enfin est celle de l'identité, bien évidemment, celle que l'on croit avoir, celle que l'on s'est vu assigner, celle que l'on aimerait acquérir. Ici, c'est celle d'enfant de ou de parent de, d'individu ou de membre d'une communauté, d'étranger ou de citoyen, d'allié ou d'ennemi, bref, autant d'étiquettes contradictoires qui vont pourtant souvent se superposer. C'est magnifiquement écrit, c'est poignant, c'est mûrement réfléchi - digéré même - par un auteur qui ne parvient jamais tout à fait oublier que c'est avant tout son propre destin qui se joue sous les yeux de ses lecteurs.



On comprend donc très vite la renommée de James Baldwin à partir de ce simple texte, qui parvient par sa simplicité apparente à retourner le lecteur, à éveiller sa haine, sa compassion, son doute, pour un roman marquant à plus d'un égard, et qui atteint des sommets dans la tension dramatique - ne serait-ce qu'avec son épilogue. A découvrir sans hésiter !
Lien : https://mademoisellebouquine..
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