AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Stockard


Les faits, rapidement : Atlanta entre 1979 et 1981, au moins 28 enfants et adolescents de 7 à 17 ans sont assassinés, tous africain-américains. Pas de mobile apparent, pas de pistes, une enquête qui prend son temps avant de passer la seconde et finalement l'arrestation d'un certain Wayne Williams, 23 ans, peut-être coupable, peut-être pas mais qu'importe puisqu'il prend deux peines de perpétuité pour l'assassinat de deux adultes survenu dans la même période, n'écopant de rien pour les enfants tout en laissant planer une culpabilité qui ne fait de doute pour personne.

On voudrait accuser le racisme (et on aurait raison, les faits sont là) mais à l'instar de Reagan qui déclarait la « guerre à la drogue » quand on comprenait bien que le message sous-jacent était « guerre aux Noirs », Atlanta, ville du Sud, raciste et bigote a à cette époque un maire noir à sa tête, alors, du racisme ? Où ça ?
D'un autre côté, que Wayne Williams soit lui aussi Africain-américain peut-être considéré comme "normal". Pour Micki Pistorius, Robert Ressler, John Douglas et tous ceux qui se sont sérieusement penchés sur les meurtres en série, les serial killers dans leur grande majorité choisissent leurs victimes dans leur propre groupe ethnique.

Alors la discrimination et la haine dont cette affaire a pourtant toute l'apparence auraient pu passer sous les radars du racisme si James Baldwin ne s'était pas rendu lui-même sur place histoire d'y mener sa propre enquête et de nous livrer le résultat de ses recherches. Résultat sinistre mais malgré tout, tristement prévisible.
Donc malgré l'absence de preuves décisives et même si le tribunal ne le condamne pas pour le massacre des enfants, dans l'opinion publique, Wayne Williams est le seul et unique coupable. Fin de l'histoire.


James Baldwin à travers ce livre émettra d'emblée des doutes sur la culpabilité de Williams et si on accepte de s'y pencher un peu avec lui, vu comme cette affaire fût honteusement traitée, difficile de ne pas en avoir. Malgré cela, il n'exonèrera pas non plus Williams de toute accusation.
Peut-être Baldwin pensait-il en envisageant l'écriture de ce livre y mettre plus de sérieux que cette parodie de procès et donc réussir à trancher ce noeud gordien. Il n'en sera rien et ce qui devait être à la base un livre sur l'affaire en question va en profiter pour prendre d'autres directions, beaucoup d'autres.

Si, bien entendu, les meurtres d'Atlanta servent de fil rouge à cet essai, c'est avant tout d'Histoire, de société et de l'éternelle dichotomie Noirs-Blancs dont James Baldwin nous entretient en refaisant le chemin qui de petit bled bouseux a mené Atlanta à devenir la grande métropole qu'on sait, à l'intégration rendue impossible et au rêve américain qui s'apparente encore et toujours à un cauchemar pour les Noirs.
Deux ans d'assassinats sauvages, une arrestation quelque peu arbitraire et c'est toute l'histoire de l'Amérique qui se déroule pendant une parodie de procès dont on ne saura peut-être jamais si la culpabilité décrétée de Wayne Williams est avérée ou si ce pauvre gars "arrogant et mou" selon Baldwin s'est trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment et surtout avec la mauvaise couleur de peau.

L'intérêt de ce livre est donc l'ingénieux entrelacement que tresse James Baldwin pour d'une part nous raconter l'affaire des meurtres d'Atlanta et d'autre part faire une critique virulente mais juste et justifiée de sa terre natale visant, au travers une écriture riche et incisive, à la dénonciation d'une société injuste et clivante, société qu'il ne connaissait que trop bien.
Commenter  J’apprécie          415



Ont apprécié cette critique (37)voir plus




{* *}