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Critique de PrettyYoungCat


La grande plongée d'un homme noir dans le néant des eaux glacées de New York est le point de départ de cette histoire où se ramifient celles de ses amis blancs, de sa soeur, mais aussi celle de l'Amérique des années 60' entre libéralisme et rejet, bourgeoisie et misère. Portrait en clair-obscur, sans manichéisme donc, des relations complexes et ambiguës entre Noirs et Blancs où ressentiments et amalgames percutent même les amours mixtes et les amitiés sans couleurs.

James Baldwin, grand écrivain militant à cette époque ségrégationniste de l'Amérique, distille certains éléments auto-biographiques dans cette histoire qui est avant tout une analyse des comportements humains. Il y parle du racisme, aussi bien du côté Blanc que du côté Noir. de misère comme destinée parce que vous n'êtes pas né blanc et de ce qu'il vous faut faire pour survivre à votre condition. Mais aussi d'homosexualité, avec tout ce que cette différence suscite aussi comme réprobation et comme imagerie mentale.

J'ai découvert James Baldwin dans le documentaire "I am not your Negro" de Raoul Peck (à découvrir absolument si ce n'est déjà fait !), ainsi que dans le livre qui en est tiré.
Comme rarement une âme humaine peut parler à une autre âme humaine, cet homme m'a touchée. Il émanait de lui une éloquence sincère et brillante, mais aussi une humanité bouleversante. Et c'est bien naturellement qu'à présent que l'une de ses oeuvres est rééditée que je me suis empressée de le lire.

Même si Un autre pays n'est pas une histoire à rebondissements, on ne s'y ennuie cependant pas. L'écriture de James Baldwin m'a fait penser à certains égards à John Steinbeck, même si ici la misère est urbaine et noire. Mais on y est, et les personnages faits de bleus et de bosses, nous les côtoyons dans la même pièce. Et nous lisons comme bercés par ses mots, ivres de sa musique...

L'auteur, par le truchement de ses personnages, fait acte d'une profondeur d'analyse parfois déroutante. A tel point que je ne suis pas toujours sûre d'en avoir pesé tout le sens. Mais en tant que Blanche européenne vivant au 21ème siècle, le pourrais-je tout à fait ?
James Baldwin nous dépeint un monde, une réalité qui nous, aujourd'hui, nous parait si absurde, si étrange et si hideuse qu'on ne peut sans doute pas prendre toute la mesure de ce qu'était être Noir en Amérique, bien que pourtant, l'histoire ne se situe pas dans le Sud, mais là où les conditions de vie étaient réputées "favorables" aux Noirs...

Je ne sais trop quelles conclusions, quelle "morale" tirer de cette histoire, si ce n'est peut être que dans ce jeu d'attirance/répulsion, amour/haine, la frontière s'avère ténue et que dans ce monde, au sommet de l'échelle de la domination - dont le sexe est un puissant vecteur de pouvoir - l'homme blanc hétérosexuel y figure à la première place. Car la condition des Noirs, mais aussi des femmes, des homosexuels, des étrangers est à des degrés divers, les échelons que l'on piétine.
- En 2019, a-t-on évolué ? -

Malgré une écriture dense qui s'étale sur près de 600 pages, et malgré finalement le peu d'événements qui s'y déroulent, James Baldwin, par son talent et sa richesse de réflexion - très complexe - sur la nature humaine vient nous interpeler et nous ébranler, avec un intérêt pour ses personnages - dont les reliefs et les aspérités nous les rendent vivants - qui ne se dément pas.
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