C'est ainsi que commençaient mes journées : par une aurore indécise. Par une lumière grise, des pépiements d'oiseaux, un bruit de pluie. Par le frottement des draps contre la peau, un léger souffle de vent dans les arbres, un bruissement matinal. Dans mes souvenirs, c'est un monde sans profondeur de champ. Non pas comme dans un rêve ; il s'agit plutôt d'une oblitération partielle de la conscience. On est réveillé, on perçoit le monde alentour, on voit, on est tout ouïe. On est une sorte de sentinelle, on observe, mais on ne saisit que son environnement immédiat. Le reste est relégué à l'arrière-plan. Comme si la journée se présentait toute nue, sans apprêt, sans qualités. C'est le matin. Le matin dans son plus simple appareil.
Leur attachement n'avait rien de fragile ; en leur compagnie, on ne se sentait pas de trop, on n'était pas tenté de les laisser seuls pour préserver leur union. Il émanait d'eux un calme qui me rappelait l'époque où je venais de rencontrer Thomas, cinq ans plus tôt. Le sentiment de partager quelque chose d'inexplicable, l'étonnement devant l'existence de l'autre, le plaisir de constater qu'avec lui tout devenait facile : j'étais emportée par un tourbillon, mais j'avais trouvé la paix.
L'impensable est en nous de manière permanente. Nous sommes des êtres improbables surgis d'une nébulosité de coïncidences. Nos connaissances auraient du nous préparer à affronter l'invraisemblable mais ce n'est manifestement pas le cas.
Que faire pour sortir du 18 novembre ? Comment y suis-je entrée ? En me trompant de porte ? En ouvrant celle des répétitions ? Je n'en sais rien. Je cherche la sortie...
Et voilà que le fantôme qui pisse descend l'escalier.
J'ai découvert quelque chose d'inquiétant. En réalité, je n'ai rien découvert de nouveau, j'ai juste compri à quel point c'est inquiétant. Il y a des fantômes et des monstres. Le fantôme c'est Tomas. Le monstre c'est moi.
Peut-être mes phrases sont-elles simplement des appels à un centre de secours où personne ne répond. Des messages à quelqu'un qui ne me rappelle jamais.
L'impensable est en nous de manière permanente. Nous sommes des êtres improbables, surgis d'une nébulosité de coïncidences.
Je ne sais pas ce qui se passe. Est-ce que la nuit abolit le temps ? Est-ce que le sommeil engloutit le passé et l’avenir pour les faire ressurgir au moment du réveil ? Est-ce que les mots s’effacent pour ne laisser que le contour des objets ? Est-ce que le langage se referme, nous empêchant de désigner autre chose que nos perceptions immédiates : ici, maintenant, jour, lumière ? On se réveille peut-être sans langage. Ou avec des phrases rudimentaires : C’est le matin, il fait jour, je viens de me réveiller.
C'est facile de faire passer les journées. il suffit de rester immobile. En réalité, je ne fais rien passer du tout. Elles s'en vont toutes seule. Il me suffit d'écrire un chiffre dans mon cahier chaque matin