AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de glegat


La Comédie humaine est une « cathédrale de papier » rassemblé notamment dans la collection la pléiade. Chacun des douze volumes constituant ce monument compte plus de 1000 pages dans une typographie très serrée. Mais à ce travail de géant il faut rajouter les oeuvres de jeunesse, le théâtre et la correspondance dans la seule partie correspondant aux lettres adressées à Eve Hanska (l'étrangère) représente près d'un quart de la comédie humaine ! le plus long roman est « Illusions perdues » 752 pages dans l'édition Albert Béguin sur papier bible. À l'autre extrémité, on trouve Facino Cane (15 pages) qui constitue l'une des nouvelles les plus courtes De Balzac. Ce texte a été écrit par Balzac en une nuit comme l'indique l'auteur lui-même dans une lettre adressée à Eve Hanska. Cette nouvelle est publiée pour la première fois le 17 mars 1836 dans la revue « La chronique de Paris » dont Balzac assure la direction depuis le mois de janvier de la même année. Cette nouvelle est d'abord classée dans les « Études philosophiques » où elle a toute sa place, puis Balzac change d'avis et l'intègre en 1844 dans les « Scènes de la vie parisienne ».

Cette nouvelle est bien connue des lecteurs De Balzac puisqu'elle est souvent citée en exemple dans les biographies pour illustrer le don de seconde vue que possède Balzac. Les deux premières pages pourraient être celles d'un roman beaucoup plus long, elles mettent en scène le narrateur âgé de 20 ans (Balzac lui-même) qui vivait à l'époque dans la rue de Lesdiguière : « L'amour de la science m'avait jeté dans une mansarde où je travaillais pendant la nuit, et je passais le jour dans une bibliothèque voisine, celle de Monsieur (1). Je vivais frugalement, j'avais accepté toutes les conditions de la vie monastique, si nécessaire aux travailleurs. Quand il faisait beau, à peine me promenais-je sur le boulevard Bourdon. »

Le passage le plus cité de Facino Cane est celui où Balzac explique à quel point il aimait observer les passants, s'amusait à les suivre et à deviner leur histoire et leur personnalité en captant quelques bribes de leur conversation : « En entendant ces gens, je pouvais épouser leur vie, je me sentais leurs guenilles sur le dos, je marchais les pieds dans leurs souliers percés ; leurs désirs, leurs besoins, tout passait dans mon âme, ou mon âme passait dans la leur… ». Balzac avait en effet la capacité de recomposer une vie, une personnalité après l'observation d'un détail, d'un costume, d'une attitude, d'une parole, d'une physionomie. Sa puissance d'imagination et son talent de visionnaire lui donnaient le génie « d'inventer le vrai » selon Albert Béguin.

Cette nouvelle met en scène très peu de personnages, essentiellement le narrateur et Facino Cane. Tous deux ont un don exceptionnel, celui de seconde vue pour le narrateur et le don de "flairer" l'or et d'en deviner la présence même à travers les murs pour le second. Facino Cane raconte sa vie au narrateur. C'est un ancien aristocrate qui a été jadis condamné pour avoir assassiné le mari de sa maîtresse. Il s'évade de prison emportant avec lui un fabuleux trésor dont l'éclat, symboliquement, lui fera perdre la vue. Il mène grand train à Paris, mais se fait escroquer par l'une de ses maîtresses et se retrouve à la rue, ruiné. C'est au cours du bal d'un mariage où il exerce ses maigres talents de musicien aveugle que le narrateur fait sa connaissance. Dans cette nouvelle Balzac fait cohabiter le luxe et la misère. le parallèle entre Facino Cane et Balzac est saisissant, l'auteur y exprime à nouveau sa thèse qui sous-tend la Comédie humaine selon laquelle la pensée détruit la vie. La puissance du désir réduit notre énergie vitale, un thème que l'on trouve développé dans « La Peaude chagrin » publié 5 ans auparavant.

À noter l'excellent article de Taka Kashiwagi publié dans l'année Balzacienne 1999 volume 2 page 567 « La poétique Balzacienne dans Facino cane » et qui nous fait découvrir des trésors cachés dans les intentions De Balzac.

(1) Balzac parle de la Bibliothèque de l'Arsenal situé non loin de la rue de Lesdiguière où Balzac a habité de 1819 à 1820. On appelait « Monsieur » le comte d'Artois Philippe de France, frère de Louis XVIII et futur Charles X.

— « Facino Cane », Honoré de Balzac, Tome 2 de l'oeuvre De Balzac édition Albert Béguin (1964) (page 859 à 874)
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}