A MARTINEZ DE LA ROZA
Le clocher de la petite ville de Menda venait de sonner minuit. En ce moment, un jeune officier français, appuyé sur le parapet d’une longue terrasse qui bordait les jardins du château de Menda, paraissait abîmé dans une contemplation plus profonde que ne le comportait l’insouciance de la vie militaire ; mais il faut dire aussi que jamais heure, site et nuit ne furent plus propices à la méditation. Le beau ciel d’Espagne étendait un dôme d’azur au-dessus de sa tête. Le scintillement des étoiles et la douce lumière de la lune éclairaient une vallée délicieuse qui se déroulait coquettement à ses pieds. Appuyé sur un oranger en fleurs, le chef de bataillon pouvait voir, à cent pieds au-dessous de lui, la ville de Menda, qui semblait s’être mise à l’abri des vents du nord, au pied du rocher sur lequel était bâti le château. En tournant la tête, il apercevait la mer, dont les eaux brillantes encadraient le paysage d’une large lame d’argent. Le château était illuminé. Le joyeux tumulte d’un bal, les accents de l’orchestre, les rires de quelques officiers et de leurs danseuses arrivaient jusqu’à lui, mêlés au lointain murmure des flots. La fraîcheur de la nuit imprimait une sorte d’énergie à son corps fatigué par la chaleur du jour. Enfin, les jardins étaient plantés d’arbres si odoriférants et de fleurs si suaves, que le jeune homme se trouvait comme plongé dans un bain de parfums.
Feuilleter le manuscrit d'un écrivain, c'est entrer dans l'intimité de l'auteur. On devine sa main courant sur le papier, on suit son tâtonnement, sa recherche, avec ses repentirs et ses illuminations.
Des superbes dessins qui accompagnent les écrits de Victor Hugo, aux ratures de Flaubert, témoignant de sa recherche obsessionnelle de l'expression juste; des fameuses «paperolles» de Proust, aux notes, plans et esquisses de Zola ; des épreuves corrigées De Balzac, aux contraintes mathématiques de Perec, des manuscrits raturés d'Apollinaire, Segalen, et Valery, au bouillonnement désordonné de Bataille ; du plan à bulles de Jules Romain, aux écrits d'Aragon et Giono, découvrant leur roman au fur et à mesure qu'ils l'écrivaient, autant de traces écrites, qui donnent à voir, au gré des fragments de textes raturés, le travail sur l'image, le rythme et la forme.
Révisez la littérature sur le site des Essentiels de la BnF : https://c.bnf.fr/SJd
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