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Critique de Albina


Je suis étonnée par le peu de soin accordé à la mise en page en Édition de poche (2019). Pas de retour à la ligne lors des dialogues qui s'insèrent dans les phrases qui n'en finissent pas. Il me semble qu'avec un manuscrit écrit à la main l'éditeur aurait pu en décider autrement pour rendre la lecture moins fastidieuse. Selon moi cela témoigne d'un certain mépris pour nos auteurs classiques. À moins que ce ne soit par esprit d'économie, car il y a une volonté manifeste de faire rentrer le plus grand nombre possible d'histoires ayant trait à l'argent dans un bien petit volume !
Avec la nouvelle Gobseck, on entre dans salon de Mme de Grandieu en compagnie de sa fille Camille et de Derville, un avoué qui lui a permis de recouvrer ses biens alors qu'elle était en faillite. Camille est amoureuse d'Ernest Restaud, fils d'Anastasia Restaud née Goriot. La mère d'Ernest a dilapidé la fortune familiale au profit de son amant, Mr Maxime de Trailles, et Mme de Grandlieu s'oppose au mariage de sa fille avec ce qu'elle croit être un misérable. Derville qui prend le parti de Camille et en qui elle a toute confiance va lui raconter une histoire qui va lui faire changer d'avis mettant en scène les agissements d'un certain Godbeck qui a eu affaire à la fille du père Goriot et à son mari...


Certes l'auteur nous brosse un portrait saisissant de Gobseck, l'usurier avec toutes les malversations qu'impliquent ses choix tortueux, mais on comprend dans le même temps que les motivations de cet homme se basent sur une connaissance approfondie et désabusée de l'âme humaine et qu'il n'est pas si mauvais qu'il y parait. En revanche, le portrait de certaines femmes de haut rang (dont la cupidité féroce de la belle Anastasia est l'emblème et renvoie au drame du père Goriot) sera lui sans concession, et il ne faudra certainement pas grand-chose à Mme de Grandlieu pour dépasser les préjugés nobiliaires qu'elle oppose au mariage de sa fille… ce pas grand-chose est l'argent.
Dans la nouvelle suivante, Balzac nous brosse un portrait jubilatoire du Gaudissard, un commis voyageur, avec une ironie corrosive qui masque habilement son exaspération pour ce genre d'individu, comédien chevronné, à la fois virtuose dans sa partie et sans âme, car il n'a pour seule motivation que son intérêt immédiat : la commission. Il fait feu de tout bois. Ses agissements et ses boniments préfigurent la marchandisation de notre société avec ses dérives.
« le commis voyageur, personnage inconnu de l'antiquité […] n'est-il pas destiné, dans un certain ordre de choses, à marquer la grande transition [...] Notre siècle reliera le règne de la force isolée, abondante en créations originales, au règne de la force uniforme, mais niveleuse, égalisant les produits, les jetant par masses, et obéissant à une pensée unitaire, dernière expression des sociétés. Après les saturnales de l'esprit généralisé, après les derniers efforts de civilisations qui accumulent les trésors de la terre sur un point, les ténèbres de la barbarie ne viennent-elles pas toujours ? »
Balzac est souvent prophète sur ce sujet (voir César Birotteau). Il s'amuse avec son personnage qui se fera piéger par des gens de Touraine et sera confronté à un fou. Et on ne saura plus vraiment dans cette histoire qui est le fou ; à côté du Gaudissart, le fou parait presque sensé et le commis voyageur se fait pigeonner, même si par la suite il retombera sur ses pattes.
Quant à la suite du recueil, elle n'a pas grand intérêt. Dans un « homme d'affaires » on voit réapparaître le gogo Maxime de Trailles qui s'est entiché d'une jeune lorette et « le député d'Arcis » est une oeuvre inachevée qui ne méritait pas d'être publiée en l'état : on se perd dans une galerie de personnages politiques aux motivations obscures et soporifiques…

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