Réunion électorale.
On ne se figure pas l'effet que produisent les beaux sentiments sur les hommes réunis. On applaudit aux grandes maximes et on n'en vote pas moins l'abaissement de son pays, comme le forçat qui souhaite la punition de Robert Macaire en voyant jouer la pièce n'en va pas moins assassiner un Gerneuil quelconque.
- Bravo crièrent quelques électeurs Giguet-pur-sang.
- Vous m'enverriez à la chambre, si vous m'y envoyez, pour y représenter les principes de 1789, pour être un des chifres, si vous voulez, de l'opposition, mais pour voter avec elle, éclairer le gouvernement, faire la guerre aux abus, et réclamer le progrès en tout...
- Qu'appelez-vous progrès ? Pour nous le progrès serait de mettre la Champagne pouilleuse en culture, dit Fromaget...
- Le progrès, je vais vous l'expliquer comme je l'entends, cria Giguet exaspéré par l'interruption.
- C'est les frontières du Rhin pour la France ! dit le colonel, et les traités de 1815 déchirés !
- C'est de vendre toujours le blé fort cher et de laisser toujours le pain à bon marché, cria railleusement Achille Pigoult qui, croyant faire une plaisanterie, exprimait un des non-sens qui règnent en France.
- C'est le bonheur de tous obtenu par le triomphe des doctrinaires humanitaires...
- Qu'est-ce que je disais ? demanda le fin notaire à ses voisins.
- Chut ! Silence ! Ecoutons ! dirent quelques curieux.
- Messieurs, dit le gros Mollot en souriant, le débat s'élève, donnez votre attention à l'orateur, laissez-le s'expliquer...
- A toutes les époques de transition, messieurs, et nous sommes à l'une de ces époques...
- Béééé... Béééé... fit un ami d'Achille Pigoult.