... du III°s av. J.-C. au VIII°s (voire du III° au XIII°s), deux lignes de force se dessinent :
- toute la latinophonie a partout évolué dans le même sens général aboutissant à ce qu'on peut appeler une romanophonie. ... Cette évolution était inscrite dans la logique même du latin : elle ne l'annule pas, elle l'accomplit.
- En revanche, chaque région a coloré localement sa latinophonie : ainsi sont sortis de la parole latine, elle-même variable, des centaines de dialectes qui appartenaient à de plus vastes ensembles, d'où ont fini par émerger les langues romanes principales (émergences politiques autant que langagières). La question de cette différenciation a suscité d'anciens et vifs débats. Pourtant, il semble difficile d'écarter l'hypothèse que, surtout au niveau de la phonologie, c'est d'abord le substrat qui a joué un rôle essentiel. C'est en effet la prononciation qui colore de façon contrastée des langues qui, par ailleurs, ont suivi des évolutions profondément parallèles. On admettra aussi que le superstrat a joué un rôle important ans le cas où les locuteurs nouveaux occupaient une place privilégiée dans l'espace social : Francs (Belgique au V°-VI°, Neustrie au VII°, Austrasie au VIII°) ou Slaves (Dacie, VII°-VIII°).
Plutôt que de considérer les langues romanes comme une forme issue d'une sorte de dégénérescence incontrôlable ru latin, il serait plus exact de décrire leur élaboration comme une longue genèse dans laquelle l'invention et la création ont joué pour une large part : il ne suffisait pas, contrairement à un axiome explicite, de mal parler latin pour inventer l'ancien français (ou tout autre langue romane). Ce recalage idéologique vaut pour l'émergence au niveau de l'écrit des langues non romanes. Les différentes études publiées confirment ce point de vue.