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Critique de Aquilon62


Du « chaos » à « cosmos », du désordre absolu à un ordre harmonieux, juste, beau et bon.
De « cosmos » à  « cosmogonie », de l'ordre harmonieux, juste, beau et bon à ses explications voire ses descriptions... Et ce quelques soient leurs origines...

Patrick Banon, dans un autre de ses ouvrages, nous poussait à nous mettre dans les pas, les traces, les pensées, les interrogations de nos lointains, très lointains ancêtres.
Ancêtres de l'Humanité, ancêtres de l'humanité....
Ancêtres de l'universalité et de la diversité...

Imaginez la terreur d'un homme qui assiste pour la première fois à une éclipse du Soleil. Les ténèbres envahissent la Terre. Quelle terrible expérience !
La population entière est prise de panique. le Soleil a soudain disparu du ciel, et pourtant la journée ne fait que commencer. L'éclipse ne dure que quelques minutes. Bientôt le soulagement chasse le désespoir. L'éclipse achevée, la lumière est revenue.Le monde a échappé à la mort et la vie reprend son cours. Personne n'oubliera cet avertissement céleste. Tous les hommes sont décidés à ne plus jamais se laisser surprendre par une telle catastrophe : il devient évident qu'il leur faut communiquer avec ces forces extraordinaires qui régissent le monde, dans l'espoir de se préserver de ces puissances qui les dépassent.

Ce n'est pas la première fois que ces dernières sèment la panique dans le monde des hommes. La plupart d'entre eux tremblent chaque soir à l'idée que le matin suivant ne vienne jamais. Rien n'est moins certain à leurs yeux que l'aube succédera naturellement à la nuit : et si le Soleil décidait de rester couché ? L'incertitude du lendemain est le quotidien des hommes. La précarité de la vie doit être combattue jour après jour contre des puissances célestes aux pouvoirs infinis.

Il n'est pas seulement question du Soleil, mais aussi du printemps. Comment être
certain que, après la saison glacée de l'hiver, viendra la saison heureuse des semailles et des récoltes ? La terre rendue incultivable par le froid donnera-t-elle à nouveau ses fruits ? L'homme se retrouve ainsi livré au bon vouloir des forces qui dirigent l'univers et qui ont droit de vie et de mort sur lui.

Pour combattre le temps qui passe, les Babyloniens célèbrent le jour de leur naissance chaque année. C'est l'occasion de remettre les compteurs du temps à zéro, une façon de chercher l'immortalité. Au nom de son peuple et des divinités, le roi fête aussi l'anniversaire de la vie en célébrant le retour du printemps. 
Ce qui effraie les hommes autant que les ténèbres, c'est bien ce cycle incontrôlable de la vie. La nuit, le jour, l'hiver et le printemps, la naissance et l'enfantement, la vie et la mort sont autant de raisons de s'inquiéter. Les hommes ignorent que la Terre tourne sur elle-même et autour du Soleil. S'ils ont constaté les changements de saisons, ils n'en connaissent pas les raisons. le grondement du ciel et le claquement de la foudre sont des phénomènes qu'ils ne comprennent pas.Le tonnerre et le feu du ciel ne peuvent qu'être l'expression de la colère divine.
Bientôt, la symbolique religieuse vient au secours de la faiblesse des hommes. C'est une alliée de poids qui leur permettra de contrebalancer le pouvoir infini de la nature.

À la source du sacré, les rapports de l'humanité avec la nature ont inspiré les premières croyances, les mythes, les rites de fécondité végétale et animale et les systèmes de pensée religieux.
L'humanité nourrit une relation fusionnelle avec la nature. Parfois magique , souvent symbolique, première science ou première croyance, la recherche de la compréhension de la nature est au fondement de la pensée humaine, de ses peurs comme de ses espoirs.

Et dans cet ouvrage magnifiquement illustré et remarquablement écrit, c'est de tout cela qu'il est question. Mais cela va beaucoup plus loin également car on a devant les yeux des mythes multiples aux racines uniques, celui du Déluge est le plus emblématique "Le récit biblique de la Genèse, les sources sumériennes et babyloniennes, les mythes grecs ne sont pas les seuls textes à décrire un déluge universel qui aurait exterminé l'humanité tout en épargnant quelques survivants pour refonder le monde. Il existe plus d'un centaine de récits de déluge à travers le monde, en Inde, en Chine en Irlande ou encore en Amérique du Sud."

Mais ils ont tous un un point commun :
Ils gravitent tous autour des éléments les plus basiques la terre, l'eau, le feu, l'air que l'auteur décline en regardant le ciel, cette source du temps sacré, en succombant à un coup de foudre, qui changera le destin de l'humanité, en s'abreuvant d'eau, source de vie, en constatant que la Terre deviendra le centre du monde, la terre dont les pierres peuvent devenir sacrées, en se laissant porter par les esprits du vent. Et ce sans omettre arbres, forêts et bois sacrés, racines communes à bien des mythes....

Les mythes forment des réseaux. Ils essaiment, nous séparent et, comme le corps de la terre, nous unissent. Ce qui nous lie à notre identité sociale se révèle le plus universel, relevant d'une même parole.
Or prendre conscience que la version du mythe que l'on connaît n'est pas la seule, que d'autres coexistent avec elle comme manifestations d'un même type, revient à appréhender l'identité dans la différence. La personne que nous avons en face de nous, ou plutôt à côté de nous, qui connaît une autre version de notre mythe, apparaît dans sa singularité propre, comme détentrice de sa propre lecture d'un même récit. Notre mythe n'est plus seulement cet objet que nous pensions propre à notre culture, ce bien de famille transmis de génération en génération, mais un patrimoine en partage, compris et restitué par l'autre à travers sa vision du monde. Il est autant à lui qu'à nous. Son récit a la même structure que le nôtre, ce qui implique que, au-delà de différences de forme, nos points de vue ne sont pas incommensurables. Les deux versions du mythe forment un tout, nous poussant à inclure l'autre dans notre humanité, et ce même si nous ne sommes pas d'accord entre nous.

Et finalement, cela ne fait que confirmer ce qu'écrit Julien d'Huy dans son ouvrage Cosmogonies :
"L'étude scientifique des mythes, comme la navette du tisserand, déroulerait alors la canette de ces récits oraux et, portant et faisant courir ce fil entre de multiples trames, unirait d'un même mouvement le passé, le présent et l'ensemble de notre humaine communauté."
En tout cas voilà, un ouvrage qui pousse a réfléchir, et à mettre entre toutes les mains, et qui a de quoi battre en brèche bon nombre de certitudes, qu'elles soient ancrées de manière mémorielle ou opportunistes....
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