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Critique de berni_29


Lorsque Laure Barachin m'a invité à lire son dernier livre, Les enfants du mal, elle ne soupçonnait peut-être pas à quel point ce récit éveillerait en moi des émotions fortes. Je la remercie infiniment.
Les enfants du mal ont du mal à tendre leurs ailes, à bout de bras...
Les enfants du mal portent des blessures qui ne leur appartiennent pas.
Les enfants du mal trébuchent sous le poids de leur fardeau, parfois se relèvent comme ils peuvent. Ce fardeau est empli de secrets, une vraie boîte à Pandore. L'ouvrir ? Pas l'ouvrir ? Parfois elle s'ouvre toute seule...
Les enfants du mal ont des yeux qui questionnent le ciel sans réponses...
Quel est ce mystère qui hante l'esprit de Capucine ? C'est la narratrice de l'histoire, elle a neuf ans lorsque nous faisons sa connaissance. Placée dans un foyer puis dans une famille d'accueil, elle croise la route d'autres enfants comme elle ou presque : Lucie, Samuel et Chris. Ils sont quatre. Quatre enfants peu à peu animés d'une amitié qui les soude presque comme une rage animale, une peur sourde... Cette sororité entre Capucine et Lucie nous touchera au coeur et au ventre. Capucine a neuf ans en 1953... Oui, la soustraction nous plonge vite fait aux portes de l'horreur, la barbarie à visage humain... Tout cela semble derrière elle, il faut avancer maintenant vers la vie qui l'attend...
Les voix de Capucine, Lucie, Chris, Samuel nous invitent comme dans une farandole à courir sur les pages. Ils se sont connus sur ce fil tendu, ténu qu'est la vie. L'écriture de Laure Barachin est fluide, elle les porte, les secoue, les bouscule, eux funambules infatigables, corps ployés par des vents parfois contraires, traversant les bruits d'une existence que nous découvrons en même temps qu'eux.
Les personnages sont beaux, touchants, portent en eux ce petit supplément d'âme qui nous transporte, emporte, transperce, au travers de ce récit.
Être la fille de personne, être née de parents inconnus, est-ce plus dur à supporter que de connaître la vérité ?
Les bruits de la guerre continuent-ils de se prolonger pour retentir en eux comme un bruit assourdissant, longtemps après ?
L'histoire monte en intensité comme une partition musicale jouée crescendo. Au début c'était un quatuor, d'autres instruments s'invitent plus tard, fantômes du passé, voix dissonantes, fausses notes. Y a-t-il un chef d'orchestre ? À force, on arrive forcément à en douter...
Les chapitres se succèdent. Nous passons d'un versant à l'autre.
Les enfants du mal s'égarent parfois dans des chemins qu'ils ne soupçonnaient pas.
Les enfants du mal ont du mal parfois à se relever des coups qu'ils ont subis.
Mai qui sont ces enfants du mal ? Pourquoi ce mal qui les hante ? D'où vient-il ?
Laure Barachin offre ici un récit magnifique qui donne à penser, à respirer, à aimer.
Les enfants du mal ont du mal à jeter ce fardeau contre un buisson de ronces, à l'abandonner dans le fond d'un talus, à hisser leurs bras par-dessus le bastingage d'un promontoire trop haut pour leurs rêves. C'est juste en se retournant un instant plus tard, pour regarder le paysage qui s'éloigne derrière eux, que certains d'entre eux s'aperçoivent que leurs bras si maladroits étaient peut-être des ailes, des ailes d'albatros....
C'est un roman qui convoque le bonheur, l'amour, la compassion, tout cela qui nous plie vers un texte qui m'a touché.
Les souffrances de leurs parents sont devenues les leurs.
Les enfants du mal sont des enfants assoiffés d'amour.
Des enfants qui s'accrochent à la vie, presque au bord de la folie.
Parfois les blessures qu'on croyait cicatrisées se rouvrent.
À quoi peut-il bien tenir, ce sentiment d'être un enfant du mal ?
C'est un récit où le sol peut brusquement se dérober sous nos doigts.
Quel modèle, quel héritage ont-ils pour qu'ils puissent à leur tour tenter de devenir des parents aimants, ne pas reproduire ce qu'ils ont vécu enfants... ?
Parfois l'écriture peut réparer. Ouvrir un cahier blanc, poser des mots. C'est ce que fit Capucine devenue adulte à l'attention de sa fille Aurore...
La filiation, l'hérédité, la quête d'identité, la transmission, sont les thèmes porteurs qui forment l'ossature de ce texte. Les mots de Laure Barachin les enrobe d'un ton sensible, juste, empli de pudeur.
Capucine est née en 1944... Comme ma soeur ainée...
Ma soeur apprit avec brutalité à l'âge de onze ans le secret qui tenait lieu de sa naissance... Elle apprit ainsi que son père n'était pas celui qu'elle croyait, avait été fusillé quelques jours avant sa naissance par la Gestapo. Qu'est-ce qu'une enfant de onze ans peut comprendre à tout cela, à s'imaginer ? Comment dire et comprendre l'indicible ? Comment le porter avec les épaules fragiles d'une enfant de onze ans... Ce fut dévastateur...
Autre hasard de la vie, mes deux enfants sont des enfants adoptés, avec des récits parfois sidérants qui ont jalonné leurs chemins. Mais là c'est une histoire trop longue à vous raconter, trop intime aussi...

Aussi ce roman de Laure Barachin me touche particulièrement.

"Ça n'est pas ta faute
C'est ton héritage
Et ce sera pire encore
Quand tu auras mon âge
Ça n'est pas ta faute
C'est ta chair, ton sang
Il va falloir faire avec
Ou, plutôt sans
Mon enfant"
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